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Aux espaces verts ou dans un bureau, éviter la prison par le travail d'intérêt général

Au départ, il était juste venu "faire ses heures" et éviter la prison: après trois semaines de travail d'intérêt général, Chériff a purgé sa peine et trouvé, surtout, une raison de se lever le matin.

Au pied de l'hôtel de ville de Montreuil (Seine-Saint-Denis), une petite dizaine de jardiniers en blouson fluo piochent, creusent, plantent. Sous la pluie insistante, rien ne distingue le jeune homme de 24 ans de ses collègues, hormis ses chaussures.

Les employés municipaux ont les leurs, les siennes ont été fournies par le service des espaces verts le temps de réaliser ses 104 heures de travail d'intérêt général (TIG) - un aménagement d'une peine de quatre mois de prison ferme pour "usage de stupéfiants".

"Pas fier" de cette condamnation, il n'a en revanche "pas honte" de figurer sous son vrai prénom ni d'être "tigiste", le surnom donné à ceux qui exécutent ces TIG que le gouvernement veut développer.

Créé en 1983, le TIG représente aujourd'hui 6% des peines prononcées en France, avec moins de 40.000 mesures en 2016, selon un rapport remis en mars au gouvernement. Or cette peine présente un taux de récidive deux fois moins élevé (34 %) que pour les condamnés sortant de prison.

En grillant une cigarette, Chériff reconnaît sans mal qu'il était là d'abord "pour faire ses heures" car "c'était ça ou la prison". "Mais ça m'a plu", jure-t-il.

Titulaire d'un BEP, éboueur intérimaire pendant deux ans et désormais sans emploi, il se dit décidé à s'inscrire à la rentrée dans un lycée horticole pour en faire son métier. Et son tuteur, Joël Mollet, se verrait bien devenir son maître d'apprentissage.

Lui qui encadre deux équipes chargées de l'entretien des espaces verts de Montreuil accueille une vingtaine de "tigistes" chaque année. "Je suis content de sortir certains de leurs problèmes."

Sans confondre bienveillance et complaisance: Joël Mollet fait remonter le moindre écart. La veille, un TIG a été interrompu car le jeune homme ne "respectait pas les horaires, avait un comportement plus que limite, ne voulait pas être vu par les copains du quartier" dans une position qu'il jugeait humiliante, égrène-t-il.

Il fera partie de la minorité des TIG (20%) qui ne sont pas menés à terme chaque année.

- "Exprimer ce qu'ils valent" -

"On n'essaie pas de mettre les gens en difficulté. L'objectif, c'est que la personne se réveille tous les matins, reprenne un rythme professionnel, respecte les consignes", souligne la directrice du service pénitentiaire et de probation (SPIP) de Seine-Saint-Denis Marie-Rolande Martins.

A Montreuil, une conseillère pénitentiaire, Frédérique Evrard, note que le but est aussi de permettre "à des jeunes d'exprimer ce qu'ils valent". Les "tigistes" ont 28 ans en moyenne.

"Je suis pas du tout dans les clous", relève avec humour Stéphane, 64 ans, costume-cravate et crâne dégarni. Dirigeant d'entreprise dans le domaine bancaire, il préfère donner un prénom d'emprunt.

Pendant quatre semaines, sa tutrice Nadia Bouallak l'a présenté comme son stagiaire plutôt que comme tigiste. "Je détonais aussi comme stagiaire", s'amuse encore le sexagénaire condamné à une peine de quatre mois ferme dans une "affaire financière".

Pas de pieds dans la boue pour lui, mais un travail au côté de la responsable administrative au service de la propreté urbaine. Heureux, dit-il, de s'être rendu "utile". "J'avais l'appréhension que la sanction n'ait pas de sens."

De concert avec Chériff, Stéphane affirme même qu'il aurait bien voulu rester plus longtemps. "C'est rare, concède Nadia Bouallak. La plupart n'ont qu'une envie, passer à autre chose."

La faute, souvent, aux délais entre la condamnation et le TIG lui-même. Élargir les structures habilitées à accueillir des tigistes, y compris en faisant appel au domaine "marchand", fait partie des pistes à l'étude pour réduire cette attente.

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