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En Roumanie, l'armée américaine dérangée par des moutons: "Ils ne respectent pas les règles et déclenchent les systèmes d'alerte"

C'est l'un des sites militaires américains les plus stratégiques en Europe et il est tombé sur un ennemi inattendu: des moutons.

Le commandement de la base de Deveselu, dans le sud de la Roumanie, a engagé un improbable bras de fer avec l'éleveur du troupeau qui perturbe ses installations.

Les quelque 250 brebis de Dumitru Bleja "ont brouté sans être inquiétées" pendant des années, avant que l'arrivée des Américains, fin 2013, ne mette fin à cette vie paisible, raconte à l'AFP Alexandru Damian, maire de la petite commune de Stoenesti, limitrophe de Deveselu, dans la vaste plaine danubienne.

"Les moutons ne sont pas comme les hommes. Ils ne respectent pas les règles, entrent dans la zone d'action des senseurs de sécurité, touchent la clôture et déclenchent les systèmes d'alerte", explique-t-il.


Un abri à moutons "incompatible" avec le fonctionnement des installations

Inconcevable pour l'armée américaine qui a choisi ce site pour installer un système de défense antimissile intégré dans le bouclier de l'Otan en Europe, conçu pour intercepter des missiles intercontinentaux.

Du coup, le haut représentant des Etats-Unis à Deveselu a informé en 2014 le ministère roumain de la Défense que l'abri à moutons situé à une dizaine de mètres de la clôture "mine les exigences minimales de sécurité et est incompatible" avec le fonctionnement des installations.

La saga judiciaire opposant le ministère roumain à l'éleveur dure depuis plus de trois ans et mercredi, c'est la plus haute instance du pays, la Haute Cour de Cassation et de Justice, qui est appelée à se prononcer sur l'un des volets de l'affaire.


Des dédommagements d'un montant de 18.000 euros

Selon le maire, M. Bleja avait acheté en 2007 près d'un hectare de terrain contigu à la base de Deveselu et construit un abri pour ses moutons un an plus tard, bien avant le début des travaux sur le bouclier. Mais, admet-il, l'éleveur n'avait pas obtenu, ni demandé, de permis de construire comme l'exige la législation.

Aux plaintes des autorités roumaines ont répondu celles du berger de 63 ans. Il exige des dédommagements d'un montant de 18.000 euros en cas de démolition du bercail de 132 m2.

Pour Alexandru Damian, la situation est "gênante". "Nous avons signé un traité avec les Américains et nous devons le respecter", dit le maire.

Sans commenter ce dossier, les Etats-Unis se félicitent du "partenariat fort et continu avec les alliés roumains, qui permet de poursuivre les opérations" sur la base de Deveselu, selon un porte-parole du commandement du système naval américain en Europe, Afrique et Asie du Sud-Ouest, Tim Pietrack.

Le site de Deveselu, qui fait partie du bouclier de l'Otan, a été inauguré en mai 2016, suscitant la colère de la Russie qui le considère comme une menace pour sa sécurité. Sa construction a coûté environ 800 millions de dollars.


"Les gens doivent accepter les conditions des autorités"

A Stoenesti, les habitants sont réticents à s'exprimer "pour ne pas avoir d'ennuis" avec Dumitru Bleja, mais nombre d'entre eux estiment que ce dernier est en faute dans cette histoire.

"Même lorsqu'il s'agit de la construction d'une simple autoroute, les gens doivent accepter les conditions des autorités" chargées des expropriations, dit la patronne d'un bar.

"On ne peut pas s'obstiner à faire les choses uniquement à notre tête. Le propriétaire doit arriver à un accord avec l'unité militaire et avec la mairie", estime une retraitée, Nicoleta Nacu, 69 ans. "En plus, les dédommagements qu'il demande sont exagérés, car après tout l'abri n'est pas si grand que ça".


"Nul ne savait que Deveselu serait choisi pour abriter le bouclier"

Un conseiller local accuse lui M. Bleja d'avoir acheté le terrain et construit l'abri "justement pour obtenir des dédommagements importants de la part des Américains". "Exclu", réplique l'avocat de l'intéressé, Serban Dinu. "Nul ne savait en 2007 que Deveselu serait choisi pour abriter le bouclier", indique-t-il à l'AFP.

En attendant le verdict, M. Bleja, qui refuse toute demande d'interview, s'est retiré avec ses moutons à Caracal, sa ville natale située à une quinzaine de kilomètres de Stoenesti.

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