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Avec ses jobs connectés, une Bulgare change la vie des réfugiés

Réfugiée en Bulgarie, sans relations ni maîtrise de la langue, Sara Faizi se sentait dans une impasse. Jusqu'à ce que cette Afghane commence à travailler pour des start-ups de l'économie numérique, exécutant des tâches basiques mais rémunératrices.

Cette ancienne employée de banque, qui élève seule deux enfants, n'a besoin que d'un ordinateur et d'une connexion internet pour effectuer les missions qui lui sont confiées, qu'il s'agisse d'identifier des objets sur une image ou de classer des données.

"Avant, je ne pouvais pas prendre d'emploi parce que je devais m'occupais des enfants. Maintenant, je peux travailler depuis la maison et ce qu'on me demande n'est pas compliqué", explique à l'AFP cette Afghane de 31 ans arrivée en Bulgarie en 2016.

Sara Faizi doit son changement de vie à une énergique Bulgare de 25 ans, Iva Gumnishka, dont l'entreprise d'insertion sociale, fondée fin 2017, fournit désormais du travail à une centaine de réfugiés établis en Bulgarie.

Après ses études en droits de l'homme aux États-Unis, la jeune diplômée a eu l'intuition que l'essor des technologies digitales pouvait offrir des opportunités à cette population déracinée, souvent éloignée de l'emploi par manque de connaissances linguistiques, de diplômes reconnus, de réseau...

Pour alimenter en données les robots basés sur l'intelligence artificielle, les entreprises font appel à des milliers de "travailleurs du clic".

Cette croissance rapide du micro-travail numérique payé à la tâche n'a pas bonne presse dans les pays développés où il est considéré comme le dernier avatar de la précarisation de l'emploi.

- Pigistes numériques -

Iva Gumnishka y voit au contraire un champ de possibilités. Quelque 1.500 à 2.000 réfugiés, principalement des Syriens et des Irakiens, vivent en Bulgarie, un pays de 7,1 millions d'habitants où le niveau de vie est le plus faible de l'Union européenne et où l'aide de l'Etat pour cette population est quasi inexistante.

A la tête de sa société baptisée "Humans in the Loop" (HITL), l'entrepreneuse bulgare fait l'intermédiaire avec des start-ups d'Europe et d'Amérique qui confient des missions aux étrangers exclus du marché du travail.

Ces entreprises occupent une "niche très spécifique qui requiert une intervention humaine pour éditer les données et les images entrant dans la conception des voitures autonomes, la reconnaissance faciale ou celle d'objets par des drones", explique Mme Gumnishka.

Le carnet de commande de HITL s'est rempli au-delà des espérances: après les réfugiés en Bulgarie, l'entreprise fournit désormais de l'emploi à quelque 150 pigistes numériques vivant en Irak, en Syrie et en Turquie. Beaucoup sont des déplacés chassés par les conflits dans la région.

"Auparavant, aucun de nos jeunes ne parvenait à gagner plus de 30 dollars par mois. Maintenant, pour quelques heures de travail mensuel, ils empochent plus de 150 dollars", assure Khaled Shaaban, patron de Roia, une ONG qui offre des formations digitales aux jeunes en Syrie et aux réfugiés syriens en Turquie. Roia est le partenaire de "Humans in the loop" dans ces deux pays.

Selon M. Shaaban, cette somme permet de couvrir les frais quotidiens d'une famille dans les zones d'Idlib ou Alep, au nord de la Syrie, où une quarantaine de freelancers travaillent régulièrement.

- Emploi tremplin -

En Irak, HITL fournit du travail à une centaine d'intérimaires, comme Shyar Qader Ali, un Syrien qui vit dans un camp de déplacés et plébiscite la flexibilité de cette activité.

"Ce n'est pas fatiguant et on peut travailler n'importe où, n'importe quand", a écrit le jeune homme dans un courriel transmis à l'AFP.

Il a effectué des prestations pour deux start-ups espagnoles et une entreprise californienne. Pour cette dernière, il a inventorié la végétation visible sur des images satellites, une activité qui lui a rapporté 1.300 dollars, selon WorkWell, organisation basée en Irak qui collabore avec HITL. Avec l'argent gagné, le jeune homme de 21 ans a pu ouvrir un petit commerce dans le camp.

Iva Gumnishka et ses partenaires se défendent de fournir de la main d’œuvre à bas coût au secteur des nouvelles technologies.

Selon les données de WorkWell communiquées à l'AFP, 76 travailleurs ont gagné un total de quelque 11.200 euros sur sept projets menés entre mai et décembre 2019.

"Ces personnes sont vraiment très bien préparées et formées, elles travaillent dans de petites équipes dédiées avec des superviseurs, assure Mme Gumnishka. La qualité que nous fournissons à nos clients est la chose la plus importante".

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