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Baltimore plombée par la pauvreté, la violence et les scandales

A Baltimore, une enquête visant la maire démocrate pourrait être le scandale de trop pour la cité de l'est des Etats-Unis gangrénée par la pauvreté et la violence, que les programmes de rénovation immobilière semblent incapables de stopper.

Il suffit d'arpenter la ville portuaire pour être saisi par cette dualité: quelques rues seulement séparent des immeubles aux façades condamnées et d'autres quartiers devenus des destinations touristiques.

Pour nombre d'habitants, excédés par la litanie des homicides, l'absence d'espoir risque de l'emporter.

Dave Harris a ainsi encouragé ses fils de 18 et 25 ans à partir. Le plus jeune veut aller à l'université "dans une autre ville, pour voir une autre culture", dit-il. "Pas nécessairement très loin, mais ailleurs".

Catherine Pugh, aux commandes de la métropole du Maryland depuis 2016, est soupçonnée de malversations pour avoir perçu plus de 800.000 dollars de plusieurs organisations pour l'achat d'exemplaires du livre pour enfants qu'elle a écrit.

"C'est mauvais, très mauvais pour la réputation de notre ville", s'est récemment emporté l'animateur de la radio locale WBAL, Brett Hollander, parlant d'une "humiliation".

L'édile, qui s'est mise en congé maladie en avril après avoir présenté des excuses, résiste pour l'instant aux nombreux appels à la démission.

Baltimore, 620.000 habitants, qui a servi de décor à de nombreux films et séries, est pourtant fière de son front de mer et de son aquarium, de ses quartiers branchés. Mais près d'un quart des habitants continuent à vivre sous le seuil de pauvreté.

La ville, qui fut un grand centre sidérurgique aujourd'hui sinistré, a perdu plus de 100.000 emplois dans l'industrie de 1950 à 1995.

La cité peine par ailleurs à se relever des émeutes provoquées par la mort d'un jeune Noir en avril 2015.

Freddie Gray, 25 ans, est décédé après son arrestation, dans des circonstances jamais éclaircies.

La colère de la communauté afro-américaine, près des deux-tiers de la population, à l'égard de sa police jugée raciste et corrompue, avait entraîné des manifestations et une nuit d'émeutes.

La ville est devenue depuis l'une des plus violentes du pays, avec plus de 300 homicides par an.

Depuis le début de l'année 2019, le quotidien Baltimore Sun en comptabilise 76.

- "Dégoûtée" -

"Tout ça doit s'arrêter, on ne peut pas résoudre ses problèmes à coups de feu", martèle Monique Washington, présidente de l'association des riverains du quartier d'Edmondson, dans l'ouest de la ville.

"Dégoûtée" par la situation, elle avoue avoir songé à déménager. "Je ne l'ai pas fait car si ceux qui se soucient du quartier s'en vont, nous sommes finis", dit-elle à l'AFP.

Dans l'est de la ville, Dave Harris se sent parfois revenu quatre ans en arrière. Président de l'association des résidents du quartier de McElderry Park, il avait tenté de "galvaniser" les jeunes pour transformer le quartier après les manifestations.

La zone avait bénéficié d'un plan de rénovation dans les années 2010. Les maisons proprettes ont remplacé les bâtiments en ruines ou inoccupés. Mais les promesses d'emplois ou de formations n'ont pas suivi, selon M. Harris, et le trafic de drogue s'est réinstallé.

Depuis 2015, les tentatives de rapprochement entre la population et la police ont aussi échoué.

"On en est pratiquement revenu au même point car les agents viennent d'ailleurs et ne comprennent pas le fonctionnement de la ville", explique-t-il.

En 2018, un procès a révélé des pratiques illégales généralisées au sein de l'unité chargée de lutter contre les gangs. L'ex-adjoint du chef de la police a lui été condamné en mars pour fraude fiscale.

Seema Iyer, experte en urbanisme pour l'Institut Jacob France à l'Université de Baltimore, évoque "des systèmes qui ne fonctionnent pas en harmonie" pour briser la spirale.

Elle souligne l'abandon de projets importants qui auraient donné un nouveau souffle à la ville. L'un d'eux, une ligne de métro reliant l'ouest à l'est, "aurait apporté des emplois, du développement, une augmentation de la population, de l'enthousiasme!".

- Quelques réussites -

A McElderry Park, Mme Iyer souligne que différents projets initiés en 2014 - nettoyage des rues, soutien scolaire, médiation entre résidents - ont eu des résultats: 500 jours sans homicide, malgré les violences après la mort de Freddie Gray.

Au centre-ville, le marché couvert de Lexington est une institution depuis 1782.

"Nos clients ne sont pas millionnaires, il sont pauvres", explique Fanny Houvardas, qui tient la pâtisserie "Market Bakery" depuis 45 ans.

"Ils prennent des cookies pour deux dollars au lieu d'un demi-kilo, une tranche de gâteau au lieu du gâteau entier" comme faisaient leurs parents, ajoute son époux, Mike.

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