Accueil Actu

Bangladesh: stigmatisée, une réfugiée rohingya transgenre puise de l'espoir dans la beauté

Minoritaire dans sa communauté elle-même minoritaire au Bangladesh, Tanya, transgenre et réfugiée rohingya dans le plus grand camp du monde, trouve matière à espérer, malgré la discrimination et les sévices, grâce à son métier d'esthéticienne lui procurant un peu d'argent et une once de respect.

Tanya et sa famille font partie des quelque 750.000 Rohingyas qui ont fui les exactions de l'armée en Birmanie et cherché asile en 2017 au Bangladesh voisin, où se trouvaient déjà plus de 100.000 réfugiés, victimes de précédentes violences.

Les Rohingyas survivent là, entassés dans des camps insalubres à l'abri de baraques faites de bâches, tôles et bambous et refusant de retourner en Birmanie, à majorité bouddhiste, tant qu'ils n'auront pas obtenu enfin des droits de citoyenneté.

En mars, les Etats-Unis ont pour la première fois reconnu que des Rohingyas avaient été victimes d'un "génocide" perpétré par l'armée birmane.

Tanya, musulmane comme la plupart des Rohingyas, avait appris son métier d'esthéticienne auprès de villageois bouddhistes en Birmanie.

"Dès mon plus jeune âge, j'aimais m'habiller et me maquiller comme les filles", raconte-t-elle à l'AFP, "ma famille n'aimait pas ça. Mes frères avaient l'habitude de me frapper. Ils avaient honte de moi".

- "Malédiction des démons" -

Tanya avait fait son "coming out" transgenre au début de l'adolescence.

"On me traitait de +malédiction des démons+ et de +punition d'Allah+", se souvient l'esthéticienne de 22 ans.

Dès son arrivée dans le camp de Kutupalong, à Cox's Bazar, elle a dispensé ses services dans le baraquement familial avant d'être employée par un salon de beauté de la ville. Là, selon sa cliente Salma Akter, elle s'est forgée la réputation de "meilleure esthéticienne du district".

"C'est une hijra, mais elle est très bonne", ajoute Mme Akter à l'AFP, en utilisant le terme qui en Asie du Sud désigne un troisième genre, "les gens viennent ici de toute la région pour ses soins du visage".

La teinture des cheveux, les soins du visage, le maquillage offrent à Tanya une douce parenthèse à la dure réalité des camps, au harcèlement constant que lui font subir d'autres réfugiés et aux reproches constants de sa famille.

Tanya reconnaît gagner peu d'argent, mais bien davantage que la plupart des réfugiés. Ses revenus réguliers lui ont permis de gagner un peu de respect de sa mère et ses six frères et sœurs. Mais elle peine à leur faire accepter son identité sexuelle.

"Mon âme dit que je suis une femme. Je ne comprends pas pourquoi les autres ont un problème avec cela", dit Tanya.

Une de ses soeurs aînées, Gul Bahar, âgée de 39 ans, vit mal le fait que ce frère aux "attitudes de fille", qu'elle nomme par son prénom masculin, soit soumis aux railleries et aux sévices.

"Chaque fois qu'il marche dans la rue, les gens se moquent de lui. Parfois, ils le suivent jusqu'à notre porte pour se moquer de lui", dit-elle en larmes à l'AFP, admettant souhaiter qu'il "redevienne comme (ses) autres frères".

A son arrivée dans le camp, Tanya s'est rapprochée de la communauté transgenre, forte d'environ 300 individus stigmatisés et régulièrement agressés.

- Coups et insultes -

"Il y a eu de nombreuses affaires de transgenres rohingyas battues avec brutalité, retrouvées sur la route, gisant dans une mare de sang", affirme Dil Afrose Chaity, qui s'occupe de Rohingyas transgenres au Bangladesh. Pendant la pandémie, "elles étaient accusées de transmettre le coronavirus dans le camp", poursuit-elle.

Certaines se sont liées d'amitié avec Tanya, lui ont trouvé son prénom féminin. Désireuse de les aider, elle en accueille quelques-unes dans son salon pour les former au métier d'esthéticienne.

"Les gens nous traitent de putes dans la rue", déclare à l'AFP Farhana, une Rohingya transgenre en formation. "Si nous réagissons, ils se mettent à plusieurs pour nous frapper. Tanya nous montre comment ignorer les moqueries".

Tanya espère tenir un jour son propre salon de beauté, où ses amies travailleraient à ses côtés. "Je rêve d'un jour où personne ne se demandera si j'ai un corps d'homme ou de femme".

À lire aussi

Sélectionné pour vous