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Banlieues: Borloo propose un ambitieux plan de "réconciliation nationale"

Fonds de 5 milliards d'euros, relance de la rénovation urbaine, effort sur l'école... Très attendu dans les banlieues, l'ambitieux rapport remis jeudi par Jean-Louis Borloo se veut aussi un avertissement sur les risques de "repli identitaire et communautaire" dans les quartiers, voire d'"apartheid" en matière de mixité hommes-femmes.

Intitulé "Vivre ensemble - vivre en grand la République", ce rapport qui appelle à une "réconciliation nationale" nourrira un "plan de mobilisation" en faveur des quartiers prioritaires qu'annoncera Emmanuel Macron, a indiqué le Premier ministre Edouard Philippe après avoir reçu le document. Il pourrait s'exprimer le 22 mai, selon le ministre de la Cohésion des Territoires Jacques Mézard.

L'ancien ministre de la Ville, au crédit incontesté en raison de son bilan en matière de rénovation dans les quartiers, pose d'emblée son diagnostic. "Près de 6 millions d'habitants vivent dans une forme de relégation" voire, parfois, "d'amnésie de la Nation". L'effort public est "en berne", tandis que les maires de banlieues "craquent parfois".

Les quartiers populaires "ne demandent pas l'assistance" mais simplement "le droit à l'égalité républicaine", martèle M. Borloo. Mais avec un taux de chômage "presque 3 fois supérieur" à la moyenne et des équipements et services publics "massivement moins présents qu'ailleurs", l'écart des chances d'avenir "ne cesse de croître" selon les territoires.

"La foi dans le système est fortement atteinte", et "cette situation ne sera pas tenable si nous renonçons à intégrer dans le rêve français dix millions d'âmes invisibles, une jeunesse lumineuse, colorée et en quête de participation", prévient-il.

Appelant à "garantir aux femmes leur place" dans les quartiers, il exhorte aussi à "ne pas laisser prospérer les idées d'inégalité des sexes et de séparation des genres dans l'espace public, comme un nouvel apartheid", alors que des voix dénoncent régulièrement une influence croissante des islamistes dans les banlieues.

L'ex-Premier ministre Manuel Valls avait fait polémique après les attentats jihadistes de 2015 en dénonçant, lui, un "apartheid territorial, social et ethnique".

"On est au carrefour, soit on continue" comme avant "ou alors on redevient un grand pays d'action, un pays qui se réveille", a affirmé M. Borloo en clôture des Etats généraux de la politique de la Ville à Paris.

Il s'agit là d'un "constat abrupt" qui appelle "des actions nouvelles", a commenté M. Mézard, tandis que son secrétaire d'Etat Julien Denormandie assurait qu'"on ne lâchera rien" pour faire avancer le projet.

Le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a, lui, qualifié le document de "base de travail", soulignant que "ça reste un rapport".

Le Front National s'est dit quant à lui "indigné" des propositions de M. Borloo "qui témoignent d'un véritable déni de réalité", et a appelé à "l'arrêt de l'immigration qui chaque jour fait empirer la situation".

- "Changement radical" -

Le rapport appelle à "un changement radical dans la conduite de l'action publique", avec 19 programmes allant de la "relance immédiate de la rénovation urbaine" à la réorganisation de l'école en passant par la création d'une "académie des leaders" inspirée de l'ENA.

Ces programmes "peuvent démarrer tout de suite", ils provoqueront "une dynamique extrêmement puissante", assure l'ancien ministre, qui appelle aussi à "agir fermement pour la sécurité et la justice", "lutter contre l'illettrisme" et créer "200 campus numériques".

Pour M. Borloo, les moyens déployés dans les quartiers "sont en dessous du minimum républicain".

En matière de financement, il rappelle que la rénovation urbaine a généré "48 milliards de travaux" en dix ans, et propose la création d'un fonds de plus de 5 milliards d'euros abondé notamment par "la cession des participations de l'Etat en 2018 (10 milliards annoncés)", qui ne créerait "pas de dépenses budgétaires nouvelles pour l'Etat".

"C'est un plan qui est très équilibré, très intelligent, parce qu'il y a un volet humain qui est la priorité", a affirmé à l'AFP Philippe Rio, maire PCF de Grigny (Essonne).

Le document formule "de grandes ambitions qui attendent d'urgence des engagements forts du président de la République", a réagi Stéphane Troussel (PS), le président du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis.

Car, avertit Bruno Beschizza (LR), maire d'Aulnay-sous-bois, "cela ne sert à rien d'annoncer sur les chaînes nationales des milliards si rien n'arrive concrètement dans les quartiers".

Le rapport était très attendu par les élus de banlieue, qui ont dénoncé récemment le "mépris de l'Etat" et déploré que l'attention se focalise sur le monde rural.

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