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Beto O'Rourke, la sensation démocrate qui a encore tout à prouver

Erigé en espoir de la gauche, étoile du parti démocrate malgré une défaite au Sénat il y a quelques mois, Beto O'Rourke entre dans la course à la Maison Blanche avec la fraîcheur d'un homme jeune dans la vie comme en politique mais aussi l'inexpérience qui nourrit le doute et parfois les erreurs.

Sans cacher ses profondes hésitations, le démocrate s'était soudainement mis en retrait, en janvier, pour réfléchir à son avenir politique le temps d'un "road trip" à l'américaine.

Une aventure en solitaire qu'il avait abondamment narrée en ligne, contradiction typique de ce quadragénaire emblématique de l'ère des réseaux sociaux.

Longue silhouette dégingandée, éloquence et gestuelle passionnées, à 46 ans, l'ancien punk-rocker charismatique au CV politique peu étoffé s'est finalement lancé jeudi dans la primaire démocrate pour la présidentielle de novembre 2020, après en avoir longuement parlé, dit-il, avec son épouse Amy.

Avec ses trois jeunes enfants, elle apparaît régulièrement dans les vidéos qu'il met en ligne sur Instagram, les montrant dans leur quotidien à ses plus de 800.000 abonnés.

Une transparence loin d'un style langue de bois accompagnée d'un programme résolument marqué à gauche qui l'avait porté pendant une campagne électorale survoltée en 2018, lorsqu'il avait tenté de déloger le sénateur Ted Cruz.

Beto O'Rourke avait finalement perdu en novembre mais le résultat serré contre ce poids lourd du parti républicain a été perçu comme un quasi exploit dans un Texas conservateur.

Surtout, cet ex-député au curieux prénom, encore inconnu du grand public il y a deux ans, s'est fait connaître bien au-delà de la sphère politique.

Casquette "Beto" sur la tête, la superstar de la musique Beyoncé avait ainsi annoncé aux 125 millions d'abonnés de son compte Instagram qu'elle le soutenait pour la sénatoriale.

- "Poids plume" -

"Beto", comme tout le monde l'appelle, avait alors fait une intense campagne, mouillant littéralement ses chemises à travers ce grand Etat du sud américain. Avec une vision optimiste de l'Amérique qui n'est pas sans rappeler celle que portait, il y a une décennie, un autre jeune prometteur, Barack Obama.

"Nous ne sommes pas un peuple qui fonde ses décisions sur la peur", avait-il dit à l'AFP, dans un tacle à la campagne de Donald Trump. "Nous n'avons pas peur de l'avenir."

Refusant les dons de grandes entreprises ou de lobbies, Beto O'Rourke défend l'idée d'une assurance santé universelle.

Cet enfant du pays des cowboys, le Texas, réclame aussi des restrictions accrues dans les ventes d'armes, ainsi qu'une voie vers la naturalisation de millions de sans-papiers à travers le pays.

Il a d'ailleurs récemment battu le fer sur le sujet, par meetings interposés, avec Donald Trump. Le président républicain était venu en février défendre son projet de mur frontalier sur ses terres à El Paso, ville natale de Beto O'Rourke.

"Ce soir, depuis la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, nous répondrons aux mensonges et à la haine par la vérité et une vision ambitieuse et positive pour l'avenir", avait-il tweeté.

Un "gauchiste radical qui plaide pour des frontières ouvertes", un "poids plume", a estimé Donald Trump. Tout en reconnaissant, ironique, une qualité à ce "jeune homme qui a vraiment peu d'atouts": "un prénom formidable".

- "Me sens coincé" -

Parfois, Beto O'Rourke va trop loin dans la transparence, prêtant le flanc aux moqueries comme lors de ce détartrage retransmis en vidéo sur son compte Instagram, en janvier. L'idée était de parler de l'immigration, mais juste après le gros plan sur sa glotte, l'interview de l'assistante dentaire était passée quelque peu inaperçue.

Une image peu flatteuse d'ailleurs reprise avec gourmandise par les conservateurs qui mettent en garde contre les dangers de son programme "socialiste".

Mais sa spontanéité fait aussi souvent mouche.

Comme lorsque, durant la campagne sénatoriale, il s'était opposé à Donald Trump en prenant avec passion la défense des joueurs de football américain noirs qui mettent le genou à terre durant l'hymne national pour dénoncer les violences policières.

Saisis sur une vidéo devenue virale, ses propos sur ce sujet explosif avaient contribué à rendre célèbre celui qui était élu de la Chambre des représentants depuis 2013 mais n'avait pas encore percé à Washington.

Puis en janvier, alors que beaucoup attendaient l'annonce de sa candidature, il avait confié publiquement son désarroi.

"Me sens coincé ces derniers temps", écrivait-il sur le site Medium. "Peut-être que si je bouge, sur la route, que je rencontre des gens (...) je me libérerais l'esprit, j'aurais de nouvelles idées, je sortirais de la boucle dans laquelle je suis enfermé".

Après ce voyage sur les routes, il a finalement décidé de passer à la vitesse supérieure, cap sur la Maison Blanche.

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