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Etats-Unis, Australie et Royaume-Uni scellent un pacte de sécurité dans l'Indo-Pacifique, colère de Pékin et Paris

Les Etats-Unis ont lancé avec l'Australie et le Royaume-Uni un vaste partenariat de sécurité dans la zone indo-pacifique face à la Chine, comprenant la livraison de sous-marins à propulsion nucléaire à Canberra, jugée jeudi "irresponsable" par Pékin.

Cette annonce spectaculaire a également été fustigée par la France, qui voit torpillé un gigantesque contrat de fourniture de sous-marins conventionnels à l'Australie.

"La première grande initiative de (ce nouveau pacte appelé) +AUKUS+ sera de livrer une flotte de sous-marins à propulsion nucléaire à l'Australie", a annoncé le Premier ministre australien Scott Morrison, apparaissant en visioconférence, ainsi que son homologue britannique Boris Johnson, lors d'un événement présidé par Joe Biden à la Maison Blanche.

La Chine a réagi en qualifiant d'"extrêmement irresponsable" la vente de sous-marins américains à propulsion nucléaire à l'Australie.

"La coopération entre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Australie en matière de sous-marins nucléaires sape gravement la paix et la stabilité régionales, intensifie la course aux armements et compromet les efforts internationaux de non-prolifération nucléaire", a déclaré le porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian.

La Chine n'a pas été mentionnée dans le communiqué conjoint des dirigeants australien, américain et britannique, qui évoque la "paix et la stabilité dans la région indo-pacifique". Mais il ne fait aucun doute que la nouvelle alliance vise d'abord à faire face aux ambitions régionales de Pékin.

- "Décision unilatérale, brutale" -

Joe Biden répète depuis son élection qu'il entend se confronter à la Chine, comme son prédécesseur Donald Trump, mais de manière très différente, sans s'enfermer dans un face-à-face.

Le président américain réunit d'ailleurs le 24 septembre à Washington les Premiers ministres australien, indien et japonais pour relancer un format diplomatique, le "Quad", qui végétait depuis plusieurs années.

Quant à M. Morrison, il a affirmé jeudi, après l'annonce du pacte Aukus, qu'il lançait une "invitation ouverte" au dialogue au président chinois Xi Jinping.

Boris Johnson a lui assuré que l'initiative, qui va contribuer à la "paix et sécurité" dans la région indo-pacifique, "ne vise pas à s'opposer à une quelconque autre puissance (...), mais il reflète simplement les relations étroites que nous entretenons avec les États-Unis et l'Australie".

La France, qui voit un contrat de 90 milliards de dollars australiens (56 milliards d'euros) pour fournir 12 sous-marins à propulsion conventionnelle (non nucléaire), parfois qualifié de "contrat du siècle", échapper à son industrie navale, a fustigé une remise en cause "de la parole donnée" de la part de Canberra, par la voix de la ministre des Armées, Florence Parly.

"Cette décision unilatérale, brutale, imprévisible ressemble beaucoup à ce que faisait Monsieur Trump", a souligné de son côté le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian.

"La décision que nous avons prise de ne pas continuer avec les sous-marins de classe Attack et de prendre un autre chemin n'est pas un changement d'avis, c'est un changement de besoin", a affirmé jeudi le Premier ministre australien.

Les sous-marins à propulsion nucléaire sont notamment plus autonomes que les sous-marins à propulsion conventionnelle (diesel-électrique).

- "Pour des générations" -

Comme Joe Biden, qui a qualifié Paris de "partenaire clé", le Royaume-Uni s'est voulu conciliant: "Nous n'avons pas l'intention de faire quoi que ce soit qui puisse contrarier les Français", a promis le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace.

Mais dans les faits, le nouveau partenariat de sécurité inflige un revers majeur à la stratégie de Paris dans la zone indo-pacifique, fondée sur des partenariats avec l'Inde et l'Australie.

"Le Royaume-Uni, l'Australie et les Etats-Unis vont être liés encore plus étroitement, ce qui reflète le degré de confiance entre nous et la profondeur de notre amitié", a déclaré Boris Johnson, qui engrange là un succès diplomatique certain dans sa stratégie pour éviter l'isolement international après le Brexit.

"Sur la base de notre histoire commune de démocraties maritimes, nous nous engageons dans une ambition commune pour soutenir l'Australie dans l'acquisition de sous-marins à propulsion nucléaire", ont fait savoir les trois partenaires dans un communiqué commun, qui précise qu'il s'agit bien de propulsion, et non d'armement.

"Le seul pays avec lequel les Etats-Unis ont jamais partagé ce type de technologie de propulsion nucléaire est la Grande-Bretagne" à partir de 1958, avait indiqué plus tôt un haut responsable de la Maison Blanche. "C'est une décision fondamentale, fondamentale. Cela va lier l'Australie, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne pour des générations".

Selon ce haut responsable, le pacte "AUKUS" prévoit aussi une collaboration des trois pays en matière de cyberdéfense, d'intelligence artificielle et de technologies quantiques.

La Nouvelle-Zélande, qui interdit ses eaux à tout navire à propulsion nucléaire depuis 1985, a annoncé que les futurs sous-marins de son voisin et allié australien ne seraient pas les bienvenus chez elle.

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