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Birmanie: l'ambassade de Londres "occupée", dossier sur les violations pour l'ONU

L'ambassadeur birman à Londres a accusé mercredi une personnalité militaire d'"occuper" son ambassade, et des députés déchus du parti d'Aung San Suu Kyi ont annoncé compiler à l'intention de l'ONU les preuves des violations "de grande ampleur" des droits humains commises par l'armée dans le pays.

Cantonné à l'extérieur de sa représentation, le diplomate Kyaw Zwar Minn, qui avait apporté le mois dernier son soutien au gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi, accuse l'attaché militaire de ne "pas (le) laisser entrer".

"Ils ont dit en avoir reçu l'instruction de la capitale", a-t-il déclaré. "Ils ne peuvent pas faire ça", a-t-il ajouté. "Le gouvernement britannique ne l'autorisera pas".

Une manifestation de protestation contre le coup d'Etat militaire s'est déroulée en fin de journée devant l'ambassade.

Le Royaume-Uni a déjà sanctionné plusieurs responsables de la junte, dont le commandant en chef de l'armée Min Aung Hlaing, pour leur rôle dans le coup d'Etat militaire, ainsi que des conglomérats liés aux militaires.

Plus tôt mercredi, un groupe de résistance baptisé CRPH (Comité pour représenter le Pyidaungsu Hluttaw, l'organe législatif birman) a affirmé avoir reçu "180.000 éléments (...) montrant des violations de grande ampleur des droits humains par les militaires", dont des exécutions extrajudiciaires, tortures, détentions illégales.

Les éléments vont être transmis au Mécanisme indépendant d'enquête sur la Birmanie (IIMM) des Nations unies, a ajouté le CRPH qui regroupe des députés déchus de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) d'Aung San Suu Kyi, entrés dans la clandestinité.

Un avocat, Robert Volterra, a dit avoir rencontré mercredi au nom du CRPH des enquêteurs des Nations unies pour discuter des atrocités dont les militaires sont accusés. Il a affirmé que cette réunion avait marqué "le début d'un dialogue" et que plusieurs autres étaient programmées "pour les prochains jours".

Une porte-parole de l'IIMM a confirmé qu'une rencontre avec son chef, Nicholas Koumjian, avait bien eu lieu, sans autres précisions.

Près de 600 civils ont été tués depuis le coup d'Etat du 1er février, d'après l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP). Le bilan pourrait être plus lourd: environ 2.700 personnes ont été arrêtées. Beaucoup, sans accès à leurs proches ou à un avocat, sont portées disparues.

Le principal expert indépendant mandaté par l'ONU, Tom Andrews, avait déjà dénoncé mi-mars de probables "crimes contre l'humanité".

- "Crimes contre l'humanité" -

Le général à la tête de la junte, Min Aung Hlaing, assure, quant à lui, agir "de manière démocratique" pour mettre fin aux troubles, des propos rapportés mercredi par Global New Light of Myanmar, un journal contrôlé par l'Etat.

Le mouvement de désobéissance civile, avec des dizaines de milliers de travailleurs en grève contre le régime militaire, "cherche à détruire le pays (...) en paralysant le fonctionnement des hôpitaux, écoles, routes, bureaux et usines", a-t-il ajouté.

Selon cet officier, il n'y a eu que 248 morts dans les rangs des protestataires depuis le coup d'Etat, tandis que 16 soldats ont été tués et 260 blessés.

Au moins trois personnes ont été abattues et plusieurs blessées mercredi à Kalay (nord-ouest) quand l'armée a fait feu sur des manifestants cachés derrière des barricades de fortune.

Les militaires ont tiré au moins une fois au lance-grenades sur les contestataires, a raconté à l'AFP un membre de l'association Women For Justice, sous couvert d'anonymat.

L'accès à internet reste coupé pour la majeure partie de la population, la junte ayant ordonné la suspension du transfert des données mobiles et des connexions sans fil.

120 personnalités - chanteurs, mannequins, journalistes - sont par ailleurs visées par des mandats d'arrêt, accusées d'avoir diffusé des informations susceptibles de provoquer des mutineries chez les militaires.

"Quand elle ne trouve pas ceux qu'elle recherche, l'armée prend en otages des membres de leur famille", a déploré l'AAPP. "Beaucoup de personnes sont tuées au cours des interrogatoires".

- "Etat défaillant" -

La Birmanie risque de devenir "un Etat défaillant à moyen terme", a relevé mardi soir l'agence de notation financière Fitch.

"L'escalade de la violence à l'encontre des civils et des milices ethniques montrent que la Tatmadaw (nom des forces armées birmanes, ndlr) perd de plus en plus le contrôle du pays", a-t-elle estimé.

Malgré les violences, la mobilisation en faveur de la démocratie ne faiblit pas.

A Mandalay, la deuxième plus grande ville, des grévistes sont descendus mercredi dans les rues, certains faisant le salut à trois doigts, en signe de résistance, d'après des images diffusées sur les réseaux sociaux.

Et une dizaine de factions ethniques armées ont apporté leur soutien au mouvement pour la démocratie.

Mais les généraux font la sourde oreille aux condamnations et profitent des divisions de la communauté internationale.

Car si les Etats-Unis, l'Union européenne et le Royaume-Uni ont sanctionné le régime, la Chine et La Russie, des alliées traditionnelles de l'armée birmane, ont rejeté l'idée de mesures coercitives.

Les contestataires accusent Pékin de soutenir la junte et une usine textile à capitaux chinois a été incendiée mercredi à Rangoun, sans faire de blessés.

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