Accueil Actu

Birmanie: des miliciens pour soutenir l'armée contre les rebelles

Une dizaine de milices, parfois équipées de fusils d'assaut M16, patrouillent les rues de Muse, dans le nord de la Birmanie, chargées par l'armée de combattre les rebelles locaux et de garder la main sur cette ville frontalière avec la Chine, haut lieu de tous les trafics.

"Les autres groupes s'occupent de leurs affaires et nous nous occupons des nôtres", explique un responsable de la milice Pan Say en marge d'un entraînement de plusieurs dizaines de jeunes volontaires, que l'AFP a été autorisée à filmer, mais pas à interviewer.

"Nous n'avons pas peur car nous allons porter des armes", confie seulement l'un d'eux dans un sourire, arborant un uniforme vert frappé de l'insigne du groupe, un soleil sur fond du drapeau birman, vert, jaune et rouge.

Sur les Jeep et Hummer de cette milice, une des plus importantes de Muse qui comprend plusieurs centaines d'hommes, le logo "Pan Say Militia" s'affiche en grosses lettres, en anglais.

En mai, les miliciens de Pan Say ont essuyé une offensive de la Taaung National Liberation Army, (TNLA), un des plus importants groupes rebelles dans le nord-est du pays. Bilan: 19 morts - 15 civils, un policier et trois de leurs membres.

Selon le responsable de Pan Say interrogé par l'AFP, la milice tire ses revenus tout à fait légalement des mines de jade de la région qu'elle possède, mais aussi de karaokés et de fabriques de cigarettes.

Il nie tout lien avec le contrôle du trafic de drogue et d'autres activités illégales qui fourmillent dans cette région de l'Etat Shan.

Mais l'analyste indépendant David Mathieson estime que "Muse est un nid de milices, qui sont libres de faire leurs petites affaires", dénonçant aussi "le racket" opéré par ces groupes armés.

Dans ces régions rebelles du nord de la Birmanie, la frontière entre lutte armée et trafic est souvent ténue: les groupes rebelles, comme les milices, sont connus pour se subventionner avec l'argent qu'ils tirent du trafic de drogue.

Quant à l'armée, elle est soupçonnée de jouer un double jeu.

Elle est suspectée de s'accommoder de la lutte menée depuis des décennies par les guérillas armées, qui lui permet de justifier son implication dans les affaires de l'Etat au nom de la sécurité nationale.

Mais elle soutient en parallèle des milices anti-rebelles, comme Pan Say officiellement sous la houlette du commandement militaire depuis 2009.

- Centaines de miliciens -

L'armée birmane, qui fait face à des rebellions armées depuis des décennies, a développé ce réseau de centaines de miliciens ces dernières années, comme Bogota a eu ses paramilitaires pour combattre les Farc ou comme Moscou a armé des groupuscules anti-rebelles en Tchétchénie.

Et le phénomène ne se limite pas à l'Etat Shan en Birmanie, mais se retrouve dans les autres régions rebelles.

Mais le contrôle de Muse est tout particulièrement stratégique pour le pouvoir central birman, et notamment pour la hiérarchie militaire qui contrôle de nombreux secteurs de l'économie.

Ce poste-frontière est en effet la plus importante voie d'accès terrestre vers la Chine. Officiellement y passent des camions emplis de produits alimentaires comme du riz ou du poisson, mais aussi du matériel électrique.

Mais, sur cette route cahoteuse où les camions créent des embouteillages monstrueux, animaux protégés et pierres précieuses sont aussi du voyage, dénoncent les ONG.

Et en ville, les casinos, qui permettent le blanchiment d'argent, côtoient les hôtels de passe, où affluent commerçants et chauffeurs de camion chinois faisant du commerce transfrontalier.

"Il y a des zones qui sont trop dangereuses pour que nous procédions à des arrestations de trafiquants de drogue", se lamente un policier.

La politique de la Chine "One Belt One Road" promet en tous cas la région à un développement intensifié, avec de grands projets d'infrastructures allant de la frontière sino-birmane à la côte ouest de la Birmanie et des investissements se chiffrant en milliards d'euros.

À lire aussi

Sélectionné pour vous