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Birmanie: l'ouest secoué par l'explosion de trois bombes

La principale ville de l'Etat Rakhine, zone en proie à des troubles dans l'ouest de la Birmanie, a été secouée samedi matin par l'explosion simultanée de trois bombes devant des bâtiments officiels, qui ont légèrement blessé un policier.

Cette région frontalière du Bangladesh est sous haute tension depuis plusieurs mois: dans le nord, une campagne de l'armée birmane, qualifiée d'épuration ethnique par les Nations unies, a poussé à l'exode près de 700.000 musulmans rohingyas depuis août dernier, et dans le reste de l'Etat une rébellion de bouddhistes de l'ethnie rakhine affronte les soldats birmans.

"Trois bombes ont explosé et trois autres engins qui n'avaient pas explosé ont été retrouvés. Un policier a été blessé mais pas grièvement", a indiqué l'AFP un responsable de la police de cette petite ville portuaire, où vivent peu de Rohingyas.

Vitres soufflées, bâtiments endommagés et mobylette brûlée... les photos des lieux des différentes explosions montrent que les dégâts sont principalement matériels puisque les bombes ont été actionnées en pleine nuit.

L'un des engins a explosé dans le jardin d'un bâtiment appartenant au gouvernement local et deux autres devant des établissements de la commune. Tout s'est passé autour de 04H00 du matin heure locale (21H30 GMT).

En milieu de journée, aucun groupe n'avait revendiqué les attentats.

"Une autre bombe avait été placée sur la route de la plage", a précisé un porte-parole du gouvernement de l'Etat Rakhine. "Il pourrait y avoir d'autres", a-t-il ajouté, sous le couvert de l'anonymat.

D'après Zaw Zaw, un habitant de Sittwe joint par téléphone, samedi "certaines rues étaient interdites d'accès par la police".

Cela fera exactement six mois, dimanche, que les violences contre les Rohingyas ont débuté dans la région. Mais Sittwe avait jusqu'ici été épargné par les troubles et les attentats à la bombe sont très rares dans la ville.

- 'Escalade significative' -

Pour David Mathieson, analyste indépendant basé en Birmanie, les bombes sont probablement liées à un autre conflit que celui des Rohingyas. L'Etat compte depuis dix ans une rébellion active: l'Armée de l'Arakan, des rebelles bouddhistes de l'ethnie Rakhine.

Cette rébellion est "le seul groupe armé opérant dans la zone qui aurait les moyens matériels de perpétrer ce type d'action", a-t-il expliqué à l'AFP.

Des frappes ciblées dans la capitale marqueraient cependant une "escalade significative" pour le mouvement.

Contrairement aux musulmans rohingyas, les Rakhines sont reconnus par le gouvernement comme une minorité à part entière mais ils s'estiment marginalisés par un système qui favorise l'ethnie majoritaire des Bamars.

Les tensions entre les habitants et les autorités locales sont montées d'un cran le mois dernier après la mort à Mrauk-U de sept personnes tuées par la police lors d'une manifestation interdite.

L'armée de l'Arakan avait annoncé des "représailles d'envergure". Environ deux semaines plus tard, l'administrateur de la ville avait été retrouvé assassiné sur le bord de la route.

Sittwe abritait autrefois une importante population rohingya mais la plupart ont été forcés d'abandonner leurs maisons lors de violences interconfessionnelles en 2012.

Il ne reste dans la ville qu'un ghetto musulman de quelques milliers de personnes enfermées derrière des barbelés et, à l'extérieur, d'immenses camps insalubres proches de la côte où vivent plus de 100.000 déplacés.

La Birmanie, dirigée de facto par la prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, est accusée d'épuration ethnique depuis le déclenchement fin août dans le nord de l'Etat Rakhine d'une opération militaire à la suite d'attaques de rebelles rohingyas le 25 août.

Près de 700.000 musulmans rohingyas vivant dans cette région se sont réfugiés au Bangladesh. L'armée et des milices bouddhistes sont accusées de multiples exactions: viols, torture, meurtres, incendies de villages ensuite rasés.

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