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Birmanie: les généraux ordonnent de bloquer Facebook, des habitants appellent à la résistance

Les généraux birmans ont ordonné jeudi aux fournisseurs internet de bloquer l'accès à Facebook -outil essentiel de communication en Birmanie, trois jours après leur coup d'Etat contre le gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi, tandis que les appels à résister au putsch se propageaient.

L'armée a mis brutalement fin lundi à la fragile transition démocratique du pays, instaurant l'état d'urgence pour un an et arrêtant Aung San Suu Kyi ainsi que d'autres responsables de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND). La dirigeante de 75 ans, tenue depuis au secret, a été inculpée pour avoir enfreint une obscure règle commerciale.

Jeudi, plusieurs centaines de partisans de l'armée se sont réunis à Naypyidaw, la capitale. "On ne veut plus des traîtres nationaux vendus à des pays étrangers", "Tatmadaw (les forces armées) aime les gens", pouvait-on lire sur des pancartes.

Au même moment, des signes de résistance contre le putsch, condamné vivement par l'ONU et de nombreuses capitales occidentales, continuaient à émerger.

Un petit rassemblement a eu lieu à Mandalay (centre), des manifestants arborant des pancartes: "Protestation du peuple contre le coup d'État militaire!". Quatre personnes ont été interpellées, selon les médias locaux. L'AFP n'a pu confirmer à ce stade ces arrestations auprès des autorités.

La veille, à Rangoun, des habitants ont klaxonné et tapé sur des casseroles pour la seconde soirée consécutive, certains scandant: "Vive Mère Suu!" (Aung San Suu Kyi), d'autres faisant le salut à trois doigts, un geste de résistance déjà adopté par les militants pro-démocratie à Hong Kong ou en Thaïlande.

Des professionnels de santé ont aussi pris part à la contestation, plusieurs dizaines d'établissements à travers le pays refusant de travailler "sous une autorité militaire illégitime".

Des groupes appelant à la "désobéissance civile" se sont créés sur Facebook, porte d'entrée à internet pour une grande partie de la population. "Nous avons le pouvoir numérique (...) pour nous opposer à la junte", a relevé un activiste, Thinzar Shunlei Yi. Facebook a fait savoir que ses services étaient "perturbés".

La société norvégienne Telnor, l'un des principaux fournisseurs de télécommunications du pays, a confirmé que les autorités avaient émis un ordre pour "bloquer temporairement" la plate-forme. Nous avons été obligés de couper mais "nous ne pensons pas que cette mesure soit "conforme au droit international".

Les autorités militaires ont aussi émis un avertissement recommandant à la population de ne pas dire ou publier quoi que ce soit qui pourrait "encourager des émeutes ou une situation instable".

L'ONU hausse le ton

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a assuré qu'il ferait tout "pour mobiliser tous les acteurs-clés et la communauté internationale afin de mettre assez de pression sur la Birmanie pour s'assurer que (le) coup d'Etat échoue".

Dans un entretien au Washington Post, M. Guterres a jugé "absolument inacceptable de changer les résultats des élections et la volonté du peuple", déplorant que le Conseil de sécurité n'ait pu se mettre d'accord sur une déclaration commune.

Le Conseil s'était réuni mardi en urgence sans parvenir à s'entendre. Des négociations sont toujours en cours, selon un diplomate sous couvert d'anonymat.

Pour être adopté, un texte commun nécessite le soutien de Pékin, qui exerce un droit de veto en tant que membre permanent du Conseil de sécurité.

Or, la Chine reste le principal soutien de la Birmanie aux Nations unies, où elle a contrecarré toute initiative lors de la crise des Rohingyas, estimant que le conflit avec la minorité musulmane relevait des seules affaires intérieures birmanes.

Mercredi, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a estimé que toute intervention du Conseil devrait "éviter d'exacerber les tensions et de compliquer encore plus la situation", selon l'agence étatique Chine Nouvelle.

Ambition personnelle

Le chef de l'armée birmane, Min Aung Hlaing, qui concentre désormais l'essentiel des pouvoirs, a justifié son putsch en évoquant des fraudes massives lors des législatives de novembre remportées massivement par la LND, un scrutin qui s'est pourtant déroulé sans problème majeur, d'après les observateurs internationaux.

En réalité, les généraux craignaient que, malgré une constitution qui leur est très favorable, leur influence diminue après la victoire d'Aung San Suu Kyi, adulée dans son pays, estiment des analystes.

Min Aung Hlaing, un paria à l'international depuis la crise des Rohingyas, a aussi renversé la dirigeante par ambition politique personnelle alors qu'il était proche de la retraite, d'après eux.

La prix Nobel de la paix 1991 a été inculpée pour avoir enfreint une loi birmane sur les importations et les exportations, a expliqué la LND, après que les autorités ont trouvé chez elle des talkies-walkies non enregistrés.

Une accusation tout aussi obscure a été mise en avant pour l'ex-président Win Myint, poursuivi pour avoir violé une loi sur la gestion des catastrophes du pays en ne respectant pas des mesures anti-coronavirus.

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