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Bombes, scotch, pochoirs et droits de l'Homme

"J'ai le droit d'avoir des droits !": le musée de l'Homme invite des street-artistes à réinterpréter la Déclaration universelle des droits de l'Homme, adoptée voici plus de 70 ans, une programmation rattrapée par la crise des "gilets jaunes".

"Est-ce que l'on est vraiment libre et égaux en droit ? Tous les samedis, ces principes d’égalité, de dignité et de fraternité sont discutés, chahutés, malmenés par nos concitoyens" dans les manifestations, estime auprès de l'AFP l'artiste Sowat qui avec son binôme Lek a fait le choix d’illustrer cet article numéro un, "le plus ambitieux".

Zag & Sìa, Lek & Sowat, Goin, Swoon, Madame, Denis Meyers: chaque dimanche de mi-janvier à mi-février ces artistes issus du street-art revisitent un article de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, adoptée en décembre 1948 à deux pas d'ici, au Palais de Chaillot, par les 58 Etats qui composaient alors l'Assemblée générale de l'Onu.

Armés de leurs bombes, Zag & Sia ont ouvert les dimanches/performances en transformant un escalier du musée en "Radeau de La Méduse". Un travail en anamorphose, réalisé sans projection, sous les yeux des visiteurs.

Habiller des marches est devenu la spécialité du couple à l'origine d'une "liberté guidant le peuple" sur un escalier du XIIIe arrondissent de Paris après les attentats du 13 novembre, d'un Coluche dans le XIVe à l'occasion des 30 ans des Resto du Coeur et de nombreux portraits de Sia dans le métro...

"Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille...": Un homme se dresse, de dos, au milieu de cartons et tend le bras vers un soleil étincelant. Et salvateur ? "Chacun fera sa propre interprétation", explique Zag, un calot vissé sur la tête.

Un ajout là encore inspiré par le mouvement des "gilets jaunes" que Sia perçoit comme "un dernier sursaut". L'article 25 s'est "imposé" aux deux artistes, qui vivent sous le seuil de pauvreté.

-- déclaration fragile --

"L'ultra-précarité tous les artistes la connaissent", confirme Sowat. Avec Lek, ils explorent les villes, depuis près de 10 ans, à la recherche de friches urbaines.

Ensemble, ils ont investi un supermarché abandonné du nord de Paris pour en faire une résidence d'artistes sauvage, le "Mausolée". Puis les "entrailles" du Palais de Tokyo. Et plus récemment la Villa Médicis à Rome, dont ils sont les premiers pensionnaires issus du graffiti.

"On a grandi en pensant que ces articles de la Déclaration universelle des droits de l'Homme étaient gravés dans le marbre et puis l'actualité (une élection aux Etats-Unis, un Brexit...) nous a fait réaliser que tout cela n'est pas si solide", juge le graffeur.

Sur un grand mur blanc, Lek & Sowat font vaciller les mots de l'article un. "Egaux" se mue en "EGO". Les couleurs, du bleu, du blanc et du rouge, ajoutent un zeste de patriotisme.

Au fils du temps, les lettres, imprimées sur de l’adhésif en tissus, sont vouées à se décoller pour mieux incarner "la fragilité de la déclaration".

Une interprétation moins "frontale" que celle de Goin qui présente une toile au pochoir revisitant l'article 18, "toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion".

"Le message n'est pas systématiquement au cœur de notre propos", explique Sowat. "Aujourd'hui, on est ici mais demain on pourra faire une œuvre qui ne dit rien d'autres que ses qualités plastiques".

Frontales, les œuvres apparues dans Paris depuis les manifestations le sont: l'artiste PBOY a représenté "Une liberté guidant le peuple" entourée de "gilets jaunes". Le collectif Black Lines a réalisé une fresque géante où se mêlent dénonciation des violences policières, portrait du boxeur Christophe Dettinger,"gilets jaunes" et Arc de Triomphe...

"Ce qui est incroyable ce sont toutes les inscriptions apparues sur les palissades, les murs, lors des manifestations", juge Sowat. "Un bon tiers montre une maîtrise qui laisse supposer la main d'un artiste".

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