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Bosnie: Sarajevo renonce à honorer le Prix Nobel turc Pamuk

Sarajevo a renoncé cette semaine à faire citoyen d'honneur l'écrivain turc Orhan Pamuk, prix Nobel de littérature en 2006, l'opposition évoquant une décision de "vassal" commandée par la peur de s'aliéner le président Recep Tayyip Erdogan.

Le comité municipal chargé de ces décisions honorifiques, est revenu sur une décision de rendre cet hommage à l'auteur de "Mon nom est Rouge", prise à l'unanimité de sept élus quelques jours plus tôt.

Lors d'un second vote, quatre élus ont finalement voté contre, a expliqué jeudi à l'AFP Samir Fazlic, élu de "Nasa Stranka" ("Notre parti"), une formation multi-ethnique.

Sarajevo est dirigé par le SDA, principale formation des Bosniaques musulmans, dirigée par Bakir Izetbegovic.

Représentant bosniaque de la présidence collégiale de Bosnie, Bakir Izetbegovic est proche de Recep Tayyip Erdogan qui l'avait convié au mariage de sa fille en mai 2016.

Pour Samir Fazlic, le changement de pied municipal s'explique par "l'opposition de l'écrivain à la politique du président turc Erdogan" et la "peur (...) de vexer Erdogan".

Le Parti social-démocrate a dénoncé "une politique de vassal", estimant que "le SDA (avait) évidemment de grosses dettes envers l'AKP" (Parti de la justice et du développement), le parti présidentiel turc.

Sollicité par l'AFP, le cabinet du maire, Abdulah Skaka (SDA), n'avait pas donné suite vendredi. L'édile a déclaré au quotidien Dnevni Avaz qu'il n'était pas au courant du déroulement du vote. Le président du comité, Velija Katica, lui aussi SDA, a assuré n'avoir "pas reçu d'instructions".

"C'est un embarras terrible qui confirme que ce Sarajevo libre et ouvert s'est transformé en +kasaba+ turcophile (terme bosnien d'origine turque désignant une bourgade)", a commenté le metteur en scène Dino Mustafic sur Twitter. Le PEN club bosnien a adressé ses "excuses sincères" à Orhan Pamuk.

En septembre 2016, dénonçant l'arrestation du romancier et journaliste turc Ahmet Altan, le romancier avait estimé que son pays fonçait "vers un régime de terreur". Il y a un an, le principal quotidien turc, Hürriyet, avait renoncé à publier un entretien avec l'auteur qui annonçait sa volonté de voter "non" au référendum sur un renforcement des pouvoirs présidentiels.

Par le biais de l'agence turque de coopération et de développement (TIKA), la Turquie a estimé en 2017 avoir investi depuis la fin de la guerre quelque 240 millions d'euros dans quelque 800 projets en Bosnie, reconstruction de mosquées ou de monuments de l'époque ottomane, écoles, agriculture... Quelque 10.000 élèves bosniaques apprennent le turc. Ankara finance une partie de ces cours.

L'ère ottomane à Sarajevo a duré plus de quatre siècles, jusqu'en 1878.

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