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Brésil: Carlos et ses frères, les "pitbulls" de Bolsonaro

Ils ne font pas partie du gouvernement, mais leur influence est telle qu'ils ont fait tomber un ministre: les fils du président Jair Bolsonaro exercent un pouvoir parallèle inédit au Brésil et qui en incommode beaucoup.

Surnommé le "pitbull" par son propre père, Carlos Bolsonaro, 36 ans, deuxième de la fratrie et conseiller municipal de Rio de Janeiro, a obtenu la tête du ministre Gustavo Bebianno.

C'est le premier membre du gouvernement à être éjecté, après seulement 49 jours à la tête du ministère du Secrétariat de la Présidence.

La morsure fatale a pris la forme d'un tweet assassin: le "fils numéro 2", comme il est également surnommé, avait tout bonnement traité le ministre de menteur, le 13 février.

Ex-président du Parti social libéral, la formation du chef de l'Etat et de ses trois premiers fils, M. Bebianno était pourtant considéré comme un homme de confiance du président.

Mais il a été éclaboussé par un scandale de candidats fantômes qui auraient bénéficié de financements publics lors des législatives d'octobre.

Pour tenter de minimiser la crise, il avait affirmé avoir parlé plusieurs fois avec le président depuis.

Carlos Bolsonaro, chargé de la stratégie de son père sur les réseaux sociaux durant la campagne, a sauté sur l'occasion, démentant sur Twitter tout contact entre le ministre et le président. Pour preuve, un enregistrement audio de son père qui l'affirme avec force.

Le couperet est tombé lundi sur M. Bebianno, non sans atteindre l'image du gouvernement.

- Plutôt Brutus que Richelieu -

Les passes d'armes avaient débuté des mois auparavant, le "pitbull" ayant déjà salué par des grognements sur les réseaux sociaux la nomination de Gustavo Bebianno à un poste-clé au sein du palais présidentiel.

"Comme il a obtenu le résultat escompté, on peut dire que Carlos Bolsonaro a marqué des points. Mais en fait, le gouvernement en a perdu bien plus, parce que les conflits internes ont été exacerbés", estime Geraldo Monteiro, politologue à l'Université de l'Etat de Rio de Janeiro.

Le gouvernement Bolsonaro est composé de plusieurs noyaux hétéroclites "qui fonctionnent selon des logiques différentes et défendent leurs intérêts propres", dit-il.

On retrouve des militaires (huit sur 22 ministres), des économistes ultra-libéraux, des ultra-conservateurs sur les questions de société ou des personnalités plus expérimentées en politique, comme Gustavo Bebianno, censées faciliter le dialogue avec le Parlement.

Mais pour Geraldo Monteiro, le "noyau familial", bien qu'il ne soit pas représenté au sein du gouvernement, "reste celui qui jouit de la plus grande confiance du président".

Le célèbre écrivain Ruy Castro a écrit dans le journal Folha de S. Paulo que Carlos Bolsonaro, qui doit se voir "tel Richelieu", éminence grise du monarque, "rappelle plutôt Brutus", qui pourrait entraîner sa chute.

- Poulain de Steve Bannon -

Le style de Carlos est agressif – il a traité les médias de "cochons". Et selon le quotidien O Globo qui a étudié 500 de ses tweets, 72% contenaient des attaques.

Mais il n'est pas le seul fils du président à faire parler de lui.

Si l'aîné Flavio, sénateur de 37 ans, a été contraint de faire profil bas en raison de transactions suspectes qui ont empoisonné le début du mandat présidentiel, le troisième, Eduardo, député de 34 ans, est tout aussi actif sur les réseaux sociaux.

Son domaine de prédilection: les relations internationales. Il aurait fortement influencé le choix controversé comme ministre des Affaires étrangères du pro-Trump Ernesto Araujo.

Début février, il a été choisi par Steve Bannon, ancien stratège du président américain, pour être un des leaders de The Movement (Le Mouvement), une fondation appelée à fédérer les droites populistes dans le monde.

"Si personne ne parvient à recadrer les fils du président, ils seront une source permanente de tension et de perte de temps pour le gouvernement, qui devra gérer des crises internes au lieu de mettre en oeuvre des réformes", avertit Geraldo Monteiro.

Mais Sergio Praça, professeur de la Fondation Getulio Vargas, considère que Jair Bolsonaro, plutôt que de subir l'influence de ses fils, utilise leur forte présence sur les réseaux sociaux à son profit.

"Il est possible qu'ils soient utilisés pour transmettre des messages que leur père n'a pas le courage de faire passer lui-même", explique-t-il.

"Cela représente un grand risque pour le gouvernement: comment les acteurs politiques peuvent nouer des accords avec Bolsonaro en toute confiance s'ils craignent d'être poignardés dans le dos par un de ses fils ? Je n'ai jamais rien vu de tel", s'étonne le professeur.

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