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C'était mieux avant? A Hong Kong, les symboles coloniaux divisent les manifestants

Brandir le drapeau britannique ou celui de la colonie hongkongaise est une façon efficace d'exprimer son rejet de l'influence chinoise à Hong Kong. Mais la présence de ces étendards dans les manifestations ne fait pas l'unanimité, certains jugeant qu'ils font en fait le jeu de Pékin.

Depuis le début du mouvement de protestation le 9 juin, l'énergique "Mamie Wong" n'a cessé de se faire remarquer en venant aux manifestations avec un drapeau britannique dont la taille contraste avec son corps fluet.

Alexandra Wong de son vrai nom, 63 ans, voit dans cet acte la meilleure façon de dire sa déception, 22 ans après la rétrocession de sa ville par Londres à Pékin.

"Je veux que les gens en âge de se souvenir, dont beaucoup sont passifs et ne comprennent pas les jeunes, comparent leur existence actuelle avec la belle vie qu'ils ont eue au cours de la période coloniale britannique", expliquait-elle ce week-end lors d'une manifestation à Causeway Bay, au coeur de Hong Kong.

La Chine et l'exécutif hongkongais, qui est aligné sur Pékin, sont en train de "détruire les valeurs fondamentales de Hong Kong", assène-t-elle.

- Lions et dragon -

Le territoire, qui jouit de libertés inconnues ailleurs en Chine en vertu de l'accord qui avait présidé à la rétrocession, traverse depuis sept semaines sa plus grave crise politique depuis 1997.

Les manifestations visaient initialement un projet d'autoriser les extraditions vers la Chine. Il a été suspendu et les revendications se sont élargies pour dénoncer notamment le sentiment d'une emprise de plus en plus forte de Pékin sur les affaires intérieures, en violation du principe "Un pays, deux sytèmes" censé courir jusque 2047.

Globalement pacifiques, les manifestations ont parfois donné lieu à des heurts entre protestataires radicaux et policiers.

Il n'est pas rare de voir flotter au-dessus des cortèges l'"Union Jack" ou le drapeau qui était celui de Hong Kong quand la ville était colonie britannique.

Cet étendard présente dans un coin le drapeau britannique et en son centre les armoiries de la colonie figurant notamment deux jonques, deux lions et un dragon sur une île.

- "Fantasmes" -

Le gouvernement central chinois a plusieurs fois accusé les manifestants d'être en fait financés par des intérêts étrangers cherchant à déstabiliser Pékin.

Il s'est montré particulièrement véhément à l'égard des prises de position de Londres, fustigeant les "fantasmes sur la gloire passée du colonialisme britannique".

Mais pour Neo Lai, 25 ans, qui brandissait récemment le drapeau colonial lors d'une manifestation, celui-ci représente parfaitement cette "fusion entre l'Est et l'Ouest" qui serait en train de disparaître selon certains Hongkongais du fait des efforts de Pékin pour intégrer davantage le territoire.

"C'est le seul drapeau qui représente Hong Kong", dit-il à l'AFP.

Beaucoup de ceux qui sortent les symboles coloniaux appartiennent en fait à la fraction la plus radicale des protestataires, celle qui prône la rupture avec la Chine, un discours qui est une ligne rouge absolue pour Pékin.

"Je manifeste parce que Hong Kong, ce n'est pas la Chine", confiait récemment à l'AFP Dave Lai, drapeau colonial en main. "Je veux l'indépendance de Hong Kong. Je veux le suffrage universel."

Quand le 1er juillet, jour du 22ème anniversaire de la rétrocession, les manifestants sont entrés dans les locaux du Conseil législatif (LegCo), le parlement local, le drapeau colonial a été brandi dans la chambre.

- Complot étranger -

Mais l'étendard n'est pas resté en l'air bien longtemps, signe qu'il ne fait pas l'unanimité.

La grande majorité des manifestants ne défend en aucun cas l'indépendance et considère que la présence de drapeaux britannique ou colonial sert en fait les intérêts de Pékin en lui permettant de crier au complot étranger.

Le drapeau le plus populaire dans les cortèges, et de loin, est en fait une version remaniée du drapeau officiel de Hong Kong qui représente la fleur de bauhinia blanche. En lieu et place du fond rouge officiel, les manifestants utilisent un fond noir pour figurer la fin des libertés.

Et beaucoup considèrent que le ressentiment à l'égard de la Chine ne devrait pas alimenter une nostalgie à l'égard de la couronne britannique, une puissance coloniale qui jamais n'accorda la démocratie aux Hongkongais

Fut d'ailleurs récemment posée, sur un forum utilisé par les manifestants, la question de savoir si l'étendard colonial devait être brandi. Le "non" recueillit 3.500 suffrages contre seulement 250 pour le "oui".

"Les étrangers pourraient se méprendre en le voyant", avertissait un internaute. "Les Hongkongais veulent diriger Hong Kong, et pas être gouvernés par la Chine ou le Royaume-Uni."

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