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Dans la Californie en flammes, la macabre récolte des hommes du shérif

La ville californienne de Paradise n'a jamais aussi mal porté son nom. Ravagée par les flammes tout comme d'autres villes des collines californiennes. Le bilan est très lourd: 31 morts et 228 disparus. Ce sont les feux de forêt les plus meurtriers de l'histoire de la Californie.

"On ne s'habitue jamais. Il faut regarder la réalité en face", commente avec une moue énigmatique le shérif adjoint. Avec deux collègues, il vient de découvrir dimanche le corps d'une nouvelle victime des incendies qui ravagent Paradise et ses environs.




"Chacun a sa manière de gérer ça", confie à l'AFP l'adjoint du shérif de Yuba. "La mienne? Je préfère ne pas répondre...", tranche-t-il.

Concentrés sur leur tâche macabre, les trois hommes, qui viennent de parcourir plusieurs kilomètres sur une route caillouteuse et escarpée sans très bien savoir où chercher, sont peu loquaces.

Depuis trois jours, cette équipe de policiers sillonne la petite ville californienne et les multiples communautés nichées dans cette zone rurale pour retrouver la trace des dizaines de personnes portées disparues depuis que le feu a dévasté la région.




Certains ont trouvé refuge dans des centres d'accueil ou à l'hôtel, mais d'autres n'ont pas réussi à s'échapper à temps du brasier lorsque l'évacuation générale a été déclenchée.

C'est manifestement le cas de cet homme, retrouvé face contre terre entre deux véhicules, au bout d'un long chemin de terre poussiéreuse perdue dans les collines surplombant le lac Concow.

Son corps et ses vêtements sont intacts, et on pourrait le croire inconscient sans les horribles brûlures qui crèvent la peau de ses mollets.

Est-il mort asphyxié par les fumées? Vivait-il dans la ferme voisine dévorée par les flammes, dont plus rien ne subsiste hormis des dizaines de plants de cannabis roussis dans une serre éventrée?

"Bien trop tôt pour le dire", rétorque l'adjoint du shérif, venu du comté voisin de Yuba pour participer aux secours.

"Comme une enquête"


Photos, coordonnées GPS précises, documents trouvés dans les voitures, les policiers collectent minutieusement les indices qui permettront peut-être de répondre à ses questions et surtout d'identifier le corps, encore anonyme dimanche après-midi.

Le cadavre est placé dans un grand sac bleu puis chargé dans le corbillard noir venu depuis Paradise. Et sans perdre de temps, le trio de policiers repart à la recherche d'une autre victime potentielle.

"Nous avons des indications données par le poste de commandement central, mais c'est comme une enquête, absolument", explique un autre policier, attaché lui au comté de Butte, où se trouvent Paradise et Concow.




De nombreuses voitures, certaines intactes, d'autres calcinées par les flammes, jonchent le bord des routes. Et à chaque fois, les hommes du shérif s'arrêtent pour vérifier qu'elles ne contiennent aucun corps.

Toujours accompagné du corbillard, qui contient déjà un premier cadavre trouvé dans la matinée près de Paradise, ils font halte près d'une carcasse de voiture encastrée dans un arbre.

Une masse calcinée et recroquevillée, de la taille d'un enfant, en a déjà été extraite, et gît sur une bâche blanche. L'endroit correspond à un signalement reçu, les policiers examinent donc la dépouille, et les restes du véhicule, durant plusieurs minutes.




"Pas de crâne. C'est un animal!", lance le policier de Butte en s'essuyant les mains, un bref sourire de soulagement aux lèvres. "On continue!".

Le cortège poursuit sa route dans les méandres de ces collines isolées, où quelques centaines d'habitants vivaient loin de tout, sans trouver d'autres cadavres.

Ils découvrent toutefois une ferme laissée à l'abandon par ses propriétaires, où canards, poules, oies et chèvres sont désormais livrées à eux-mêmes.




La rencontre inattendue apaise la tension, et les visages des policiers s'éclairent un peu en cette fin de journée.

Plus de pistes à suivre, le corbillard a crevé un pneu sur les mauvais chemins, et le soleil va se coucher dans moins d'une heure: "C'est fini pour aujourd'hui! On s'y remet demain".

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