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Calme à Bassora, mais le "vent de la colère" n'est pas retombé

Bassora, ville pétrolière du sud irakien théâtre de manifestations meurtrières contre la corruption la semaine écoulée, profitait du retour au calme dimanche après un coup de théâtre politique à Bagdad, mais n'entend pas abandonner ses revendications.

Au premier jour de la semaine --le dimanche en Irak--, cette cité d'environ trois millions d'habitants était de nouveau animée, après plusieurs nuits de violences qui ont tué 12 manifestants et réduit en cendres nombre des institutions de la ville.

"Après une semaine de fumée et de colère, tout est redevenu normal", assure à l'AFP Faëq Abdel Karim, photographe de mariage de 44 ans dont le studio est installé en bordure d'une rue passante du centre-ville où le concert habituel de klaxons a repris.

Un peu plus loin, sur le marché où il vend chaque jour des oeufs sur son petit stand, Faleh Mane, 50 ans, a lui aussi retrouvé ses clients. "Le marché est comme avant, le trafic routier aussi", affirme cet homme aux cheveux blancs, vêtu d'une longue robe traditionnelle de même couleur.

- "Vent de colère" -

Depuis début juillet, Mohammed Chaker, 30 ans, organisait avec d'autres des manifestations contre la corruption qui a mené la province la plus riche en pétrole d'Irak à une crise sociale et sanitaire sans précédent.

Samedi, avec les autres coordinateurs de la mobilisation, il a décidé de ne plus sortir dans les rues, pour se désolidariser des violences.

Mais pas question pour autant, dit-il à l'AFP, de déclarer le mouvement mort.

Les manifestants ont réussi à "créer une conscience collective et à insuffler un mouvement franc et courageux contre la corruption" et la négligence des autorités centrales et locales.

Ce "vent de colère qui a soufflé sur Bassora", assure-t-il, "a forcé les politiciens à parler à voix haute des problèmes" de la ville et de la province du même nom situées en bord du Golfe.

Il va dorénavant aussi les forcer "à réfléchir à deux fois face à la rue", renchérit Montazer al-Karkouchi, coordinateur du Rassemblement des jeunes de Bassora.

Car, prévient-il, le mouvement n'est "pas fini tant qu'il n'y a pas de projets concrets et de mesures gouvernementales sérieuses" pour régler la pollution de l'eau qui a déjà causé plus de 30.000 hospitalisations, mais aussi les pénuries d'électricité, le chômage endémique et l'impunité des prévaricateurs dans le 12e pays le plus corrompu au monde.

Ces questions ont même mené à un échange tendu entre le gouverneur de Bassora, Assad Al-Eidani, et le Premier ministre Haider al-Abadi samedi au Parlement.

"Bassora est en feu, ma maison a brûlé", a martelé le premier pour attirer l'attention du second sur l'ampleur de la crise, mais ce dernier a renvoyé aux autorités locales la responsabilité de la crise. "Je vous ai déjà dit cent fois que le chef de la police était un corrompu", a fini par lancer, excédé, M. Eidani.

"Les quelques mots du gouverneur nous ont fait chaud au coeur et redonné espoir", assure Abdallah al-Basri, 59 ans.

Peu après cette passe d'arme, la crise à Bassora a rebattu les cartes dans la capitale irakienne, siège du pouvoir central.

- Nouvelle donne nationale -

La grande victime politique de cet épisode semble être M. Abadi. Lâché par son allié Moqtada Sadr, vainqueur des législatives, ses chances de se maintenir au gouvernement semblent désormais très réduites.

Cette nouvelle donne devrait permettre, selon les experts, de débloquer samedi prochain la paralysie du Parlement.

Ce jour-là, les députés doivent élire le président de la Chambre, après avoir échoué à le faire lors de la réunion inaugurale du 3 septembre. Des sources parlementaires ajoutent même que ce rendez-vous pourrait être avancé.

Maintenant que la liste des anciens combattants antijihadistes proches de l'Iran et celle de Moqtada Sadr se sont dites "sur la même longueur d'ondes pour former un gouvernement", une majorité claire devrait émerger au Parlement.

Dénoncé depuis une semaine par ses colistiers aux législatives --dont certains ont déjà annoncé avoir rejoint le bloc rival au Parlement--, invectivé samedi par le gouverneur de Bassora, le Premier ministre a de nouveau subi une attaque en règle dans la soirée.

Le très influent numéro deux des unités paramilitaires du Hachd al-Chaabi, Abou Mehdi al-Mouhandis, a accusé M. Abadi, sous le mandat duquel les troupes ont chassé le groupe Etat islamique (EI) de tous les centres urbains d'Irak, de s'attribuer indûment ce succès.

M. Abadi "n'a eu aucun rôle dans la victoire sur l'EI, ce sont les soldats, les policiers et vos frères du Hachd qui l'ont obtenue", a-t-il lancé lors d'une interview télévisée.

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