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CAN-2019: malgré l'élimination, les fans égyptiens fiers d'avoir honoré leurs "martyrs"

Malgré l'échec des Pharaons en 8e de finale de la CAN, les supporters égyptiens sont fiers d'avoir honoré, pendant la compétition, la mémoire des victimes des violences meurtrières dans les stades du pays après la révolte de 2011.

La scène s'est répétée pendant les matches de l'Egypte. Aux 20e et 72e minutes, des centaines de fans brandissent leur téléphone, lampe allumée, illuminant le stade.

"C'est notre tradition de brandir nos portables. Le sang des martyrs n'est pas lié au fait de soutenir Al-Ahly ou Zamalek", explique à l'AFP Mostafa Atef, un fervent supporter de 19 ans, entouré de fans portant le maillot de l'équipe ou des posters de Mohamed Salah, star du pays et de Liverpool.

Les deux clubs cairotes rivaux, mastodontes du football continental, restent associés à des tragédies qui hantent toujours le monde du ballon rond en Egypte.

En février 2012, plus de 70 personnes (entre 72 et 74 selon les chiffres), essentiellement des fans d'Al-Ahly, sont tuées dans des affrontements impliquant les forces de l'ordre au stade de Port Said, à l'issue d'un match contre l'équipe locale d'Al-Masry.

Connu comme le "massacre de Port Said", il s'agit de l'un des épisodes les plus meurtriers de l'histoire du ballon rond.

Trois ans plus tard, 20 supporters de Zamalek trouvent la mort dans une bousculade devant un stade du Caire sous les tirs de la police.

- "C'est un bel hommage" -

Mostafa Atef, issu d'un quartier pauvre, assistait samedi à son premier match international, celui de l'élimination des Pharaons contre l'Afrique du Sud. Etre dans les tribunes revêtait une grande importance pour lui, étant donné que les victimes saluées aux 20e et 72e minutes avaient à peu près son âge. "Nous honorons ces martyrs afin que leur mémoire demeure", résume le jeune homme.

Depuis ces drames de 2012 et 2015, les matches du championnat local se jouent à huis clos, à de rares exceptions près. Malgré les promesses des autorités, les fans n'ont jamais pu retourner sur les gradins comme ils le faisaient auparavant.

"L'Egypte est forte et sûre à présent (...) mais c'est un bel hommage et nous prions pour les martyrs" confie Islam Abdel Sadek, un commercial de 30 ans. "Evidemment, nous allumerons toujours les lumières", promet-il.

Dans un tournoi destiné à redorer le blason de l'Egypte à l'international, le président Abdel Fattah al-Sissi a souligné que l'organisation de la CAN primait sur le sportif.

Sous le président Sissi, qui a succédé à l'islamiste Mohamed Morsi en 2014 avant d'être réélu l'année dernière en l'absence d'opposant sérieux, la politique de répression a touché les milieux du football et en premier lieu les fans interdits de stades.

- Peur des ultras -

Dans ce contexte, la CAN-2019 est apparue comme un test pour la fréquentation des stades au moment où le football local se remet d'une période de troubles.

"Le retour des fans dans les stades a été une bonne chose pour le football égyptien", assure Ahmad Yousef, journaliste au site de football local King Fut.

Il précise toutefois que les autorités ont été sélectives dans leur gestion du retour des supporters dans les stades, en instaurant un système d'inscription en ligne imposant une vérification des antécédents judiciaires.

"Si, lorsque le championnat (égyptien) redémarre après la CAN, les ultras retournent dans les stades, ça pourrait causer de nouveaux troubles", a-t-il ajouté.

Ces dernières années, ces groupes de supporters fanatisés ont été politiquement actifs. Et les Ultras Red Devils du club cairote d'Al-Ahly et les White Knights de Zamalek, son rival dans la capitale, ont été pris dans la vague répressive déclenchée après la destitution de Mohamed Morsi en 2013.

Beaucoup d'internautes avancent que les dizaines d'ultras encore en prison illustrent la peur tenace de l'Egypte face à cette frange de supporters.

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