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Canada: d'accommodant à tranchant, Justin Trudeau change de style

Le Premier ministre canadien Justin Trudeau, réputé hésitant sur des questions politiques brûlantes, a montré un nouveau visage cette semaine en se montrant coup sur coup tranchant dans deux dossiers cruciaux, à un peu plus d'un an des élections.

Jeudi, le Premier ministre a riposté du tac au tac aux taxes imposées par le président américain Donald Trump sur l'aluminium et l'acier en annonçant à son tour pour 16,6 milliards de dollars canadiens (11 milliards d'euros) de taxes sur des produits américains.

"Nous devons croire qu'éventuellement le bon sens triomphera, mais malheureusement les actions prises aujourd'hui par le gouvernement américain ne semblent pas aller dans cette direction", a déclaré M. Trudeau en précisant qu'il ne visait pas "le peuple américain".

M. Trudeau est resté poli sur la forme, mais il y a longtemps qu'un Premier ministre canadien n'avait eu de mots aussi durs pour un président américain.

Et jamais le Canada n'avait pris de telles mesures de rétorsion depuis la crise économique des années 1930.

Ce changement de ton contraste avec la diplomatie du charme que le Canada a déployée depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump dans ses efforts pour renégocier l'Accord de libre-échange nord-américain ou régler des différends commerciaux dans l'aéronautique et le bois de construction.

"Si le président Trump croit que cette décision (sur les taxes) lui donne un levier pour les négociations de l'Aléna, je pense que la réponse du Canada montre qu'il a tort", explique à l'AFP Patrick Leblond, politologue à l'université d'Ottawa.

Justin Trudeau a poussé l'audace jusqu'à révéler qu'il avait refusé de se rendre à Washington cette semaine pour régler les "derniers détails" d'un nouvel accord de l'Aléna car les Américains avaient de nouvelles exigences.

Les négociations entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique sont maintenant dans l'impasse après neuf mois de discussions.

- "Maximum de pression" -

Cette fermeté du Premier ministre "aidera les libéraux (de M. Trudeau, ndlr) aux prochaines élections" canadiennes en octobre 2019, a estime M. Leblond.

Deux jours auparavant, dans un tout autre dossier, le Premier ministre avait surpris bien des Canadiens en décidant de nationaliser un oléoduc contesté par la province de Colombie-Britannique afin d'assurer l'expansion de sa capacité, projet que son propriétaire américain menaçait d'abandonner.

Le même Justin Trudeau qui s'était fait champion de la lutte contre le changement climatique dans sa campagne victorieuse en octobre 2015.

"Pour le meilleur ou pour le pire, il refond l'image qu'il a projetée aux élections il y a un peu plus de deux ans", écrivait vendredi Chantal Hébert, analyste politique réputée du quotidien Toronto Star, en parlant d'une semaine "déterminante" pour son gouvernement libéral.

En emboîtant le pas aux Européens dans la riposte au protectionnisme américain, Justin Trudeau veut "mettre un maximum de pression sur les élus américains qui soutiennent M. Trump lors des prochaines élections de mi-mandat" en novembre, a estimé M. Leblond.

Ce faisant, le Premier ministre canadien, qui voulait défendre les vertus du multilatéralisme dans une semaine au sommet du G7, ouvre un front anti-américain et s'expose à un échec politique à cette réunion.

La guerre commerciale "ne se résoudra pas par la diplomatie ou au sommet du G7 la semaine prochaine (au Canada)", insiste M. Leblond.

"Ce sont les développements politiques aux Etats-Unis" qui vont le permettre "une fois que les taxes auront commencé à faire mal aux consommateurs et aux entreprises américaines".

Pour M. Leblond, l'économie canadienne, très dépendante des Etats-Unis, risque aussi d'être pénalisée par les taxes américaines. De mauvais augure "pour un gouvernement sortant" aux élections.

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