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Carlos de retour aux assises pour l'attentat du Drugstore à Paris

"La lutte armée n'est pas un choix, c'est une nécessité": au premier jour de son procès en appel pour l'attentat du Drugstore Publicis à Paris en 1974, Ilich Ramirez Sanchez, dit Carlos, s'est campé en "révolutionnaire professionnel".

Mais le "Chacal", 68 ans, qui affronte son dernier procès, a harangué une salle à moitié vide. Il voulait une audience filmée, pour constituer une "mémoire vivante" des procès historiques, mais la justice a refusé, estimant que l'intérêt pour la figure du terrorisme "anti-impérialiste" des années 1970-80 s'était "fortement amenuisée" ces dernières années.

En mars 2017, Carlos avait été condamné, pour la troisième fois, à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir lancé une grenade dans la galerie marchande du grand magasin parisien, faisant deux morts et 34 blessés. Un crime qu'il nie avoir commis, lui qui a "tellement tué" pour "la résistance palestinienne".

Souriant, col roulé et costume noir, il a levé le poing droit en entrant dans le box des accusés, avant de se présenter, comme à son habitude, comme un "révolutionnaire professionnel".

Il comparaît pour deux semaines devant une cour d'assises spéciale, uniquement composée de magistrats professionnels, en charge des crimes terroristes.

A peine ouvert, le procès a débuté par une attaque de la défense: Me Isabelle Coutant-Peyre, qu'il a épousée religieusement en prison, dénonce "l'illégalité de la cour d'assises spéciale" et demande, en vain, "le renvoi du procès" jusqu'à ce que son client ait accès à son dossier et à son ordinateur, dont il a été privé depuis son transfert pour la durée de l'audience à la maison d'arrêt de Fresnes.

L'avocat général fait savoir qu'il a demandé à ce que le dossier soit remis à Carlos, qui "remercie". L'après-midi a été consacrée au rappel des faits et à la personnalité de l'accusé.

- 'La violence s'impose' -

Carlos décrit, parfois confus mais visiblement ravi de se raconter, une enfance dans une famille vénézuélienne aisée, un père marxiste, qui appelle son aîné Ilich et les cadets Vladimir et Lénine. Puis, l'engagement communiste et très vite la lutte armée, dans des camps en Jordanie puis en Europe, au service du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP).

"On ne fait pas un jour le choix de la violence, elle s'impose. Les bombardements israéliens ont fait de moi un militant de la cause palestinienne", explique-t-il. "Personne n'a exécuté plus de personnes que moi pour la cause. A mon âge, je me demande comment j'ai réussi à m'en sortir", ajoute Carlos, incarcéré en France depuis son arrestation en 1994 au Soudan.

L'avocat général veut des exemples de ses crimes. Reconnaît-il les meurtres deux policiers et d'un informateur libanais en 1975 à Paris, pour lesquels il a été condamné à la prison à vie? "Mais oui", répond Carlos.

L'affaire du Drugstore est la dernière pour laquelle il doit être jugé. A l'issue du premier procès, la cour avait estimé que "tous les éléments accumulés durant l'enquête" convergeaient vers le Vénézuélien.

L'attaque avait eu lieu le 15 septembre 1974 à Paris, à 17H10: une grenade lancée par un homme depuis le restaurant en mezzanine du Drugstore avait explosé dans la galerie marchande en contrebas, à l'angle du boulevard Saint-Germain et de la rue de Rennes.

Pour l'accusation, cet attentat visait à faciliter la remise en liberté d'un Japonais arrêté à Orly, membre de l'Armée rouge japonaise (ARJ). Ce mouvement était proche d'une branche du FPLP dont Carlos était devenu l'un des bras armés en Europe.

La grenade jetée au Drugstore était, selon cette hypothèse, le moyen de pression choisi par Carlos pour accélérer la libération du révolutionnaire nippon.

La défense, qui va plaider l'acquittement, veut "décortiquer" les témoignages contradictoires ou approximatifs d'un ancien compagnon d'armes de Carlos, d'une ex-compagne ou d'un avocat.

Alors que la présidente de la cour procédait à l'appel des témoins et leur assignait un horaire de passage, Carlos s'est exclamé: "Aucun témoin n'a dit que c'était moi!". "Monsieur Ramirez Sanchez, a rassuré Anne-Marie Gallen, vous aurez la parole autant que vous le souhaitez quand les débats auront commencé".

Pour les victimes, "le premier procès avait un sens, cela leur a permis d'être reconnu, de témoigner", a expliqué le président de l'Association française des victimes du terrorisme (AfVT), Guillaume Denoix de Saint-Marc. Quarante-quatre ans après les faits, ils n'attendent désormais qu'une chose, "la confirmation de la condamnation".

Le verdict est attendu le 16 mars.

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