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Chassés par la sécheresse, des paysans afghans subissent la misère des camps de déplacés

Pour la deuxième fois de sa vie, Murad Khan Ishaqzai, agriculteur afghan de 80 ans, a été forcé de quitter ses terres: non pas à cause de la guerre, mais en raison de la pire sécheresse qu'il ait eu à affronter.

Cet homme qui a travaillé toute sa vie dans son champ de blé est l'une des 250.000 personnes déplacées par la sécheresse qui a dévasté les cultures, affamé le bétail et raréfié les réserves en eau dans une grande partie de l'Afghanistan cette année.

De nombreuses familles comme la sienne ont parcouru des centaines de kilomètres, traversant des districts où s'affrontent les combattants talibans et les forces gouvernementales, pour échouer à Herat, dans l'ouest du pays.

Là, dans le dénuement le plus total, elles ont dressé un campement de fortune dans les rochers en périphérie de cette capitale provinciale.

"Les champs sont détruits" par la sécheresse, "notre bétail a péri et nous avons laissé nos ânes dans le désert parce que nous ne pouvions plus les nourrir", raconte à l'AFP M. Ishaqzai, évoquant son périple pour amener sa famille loin du district de Ghormach où elle vivait, dans la province de Badghis, frontalière du Turkménistan.

Cette région est l'une des plus touchées par la sécheresse déclenchée par un énorme déficit de neige et de pluie l'hiver dernier et qui affecte aujourd'hui quelque 2,2 millions de personnes dans tout le pays.

- Du pain, et rien -

Les conditions de vie sont misérables dans ces camps qui se sont multipliés ces derniers mois dans ce paysage aride et qui connaissent chaque jour l'afflux de déplacés ayant tout laissé derrière eux.

La poussière fouettée par le vent incessant est devenue une seconde peau pour les habitants du camp. Les enfants n'ont pas grand-chose d'autre à faire que de jouer avec des cailloux quand ils ne mendient pas ou ne ramassent pas des déchets en ville.

Les hommes qui subvenaient aux besoins de leurs familles sont désœuvrés, les femmes s'accroupissent à même le sol pour préparer du pain, l'unique nourriture pour beaucoup d'entre eux.

"Si j'avais pu y rester (à Badghis), je ne serais pas venu ici, même si vous m'aviez donné toute la ville d'Herat", assure M. Ishaqzai, un turban blanc remarquablement immaculé enroulé autour de sa tête.

Une précédente sécheresse l'avait déjà forcé à fuir il y a 15 ans, mais celle-ci est "la pire de (sa) vie", déplore-t-il.

Face au nombre croissant de familles déplacées, les responsables afghans et des organisations humanitaires sont débordés et peinent à répondre aux besoins de nourriture, d'abris et de services de santé.

- Aide d'urgence -

A l'approche de l'hiver, le Coordinateur humanitaire des Nations Unies en Afghanistan, Toby Lanzer, a appelé à un financement international d'urgence.

"Plus de 5,5 millions de personnes ont besoin d'assistance" en raison de la sécheresse et des combats. "Si nous ne nous engageons pas davantage sur les besoins à court terme, les gains en développement que nous avons réalisés au cours des dernières années pourraient être perdus", a-t-il récemment déclaré à la presse à New York.

Environ 1,4 million de personnes ont besoin d'une aide alimentaire d'urgence - la majorité dans l'ouest du pays - et seulement la moitié d'entre elles ont pu être secourues jusqu'à présent, indique un récent rapport du Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA).

Selon l'OCHA, plus de 70% des familles déplacées dans l'ouest manquent de nourriture et 33.200 enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition sévère ont besoin de "soins vitaux".

"On était heureux dans notre ferme malgré la guerre qui dure depuis tant d'années. Mais à cause de cette sécheresse, nos enfants meurent de faim", dit à l'AFP Naw Khan Zamanzai, lui aussi du district de Ghormach, entouré de ses six enfants.

Après avoir assisté impuissant à la mort de ses moutons, Abdul Razaq, 30 ans, originaire du district voisin de Murghab, raconte avoir vendu le reste pour un dixième de leur prix d'origine et pris la fuite avec sa femme et ses trois enfants.

L'octogénaire Murad Khan Ishaqzai, dont la santé se détériore, craint désormais de mourir avant de pouvoir rentrer une dernière fois chez lui.

"Vous voyez que ma vie est presque finie en ce bas monde...", dit-il. Et "je n'ai même pas 10 afghanis (environ 15 centimes) pour aller voir un médecin."

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