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Chine: de hauts dirigeants épinglés pour plagiat de thèse

Un juge, un ancien vice-président ou encore un chef provincial: selon une enquête de l'AFP, six hauts dirigeants chinois ont eu recours au plagiat pour rédiger leurs thèses de doctorat ou leurs mémoires universitaires.

Cette révélation survient après que Pékin a rendu publiques en 2018, après une série de scandales, ses premières directives nationales en matière d'éthique académique, promettant de "punir sévèrement" tout plagiaire.

Parmi les personnalités épinglées par l'AFP, figurent Li Yuanchao, ancien vice-président du pays (2013-2018), ou encore Chen Quanguo, le chef du Parti communiste chinois (PCC) dans la région sensible du Xinjiang (nord-ouest), régulièrement victime de tensions interethniques.

En février, la prestigieuse Académie de cinéma de Pékin a retiré un doctorat à Zhai Tianlin, un populaire acteur de séries télévisées, après avoir découvert qu'il avait copié des pans entiers d'un de ses articles universitaires sur d'autres travaux.

L'incident a provoqué un débat enflammé sur les réseaux sociaux à propos des "faux diplômes" des hommes politiques, comédiens et chanteurs.

L'AFP a passé au crible 12 mémoires de master ou thèses de doctorat de hauts responsables, disponibles sur la base de données officielle en ligne des ministères de l'Education et des Sciences -- la China National Knowledge Infrastructure (CNKI).

Après passage des textes via un logiciel de détection de plagiat, il s'avère que dans six cas, des passages ont été copiés d'autres auteurs, et cela sans aucune citation.

Selon les experts, le niveau de diplôme est étroitement lié aux promotions au sein de l'appareil du PCC, ce qui incite les hauts fonctionnaires à décrocher une qualification universitaire tout en menant leur carrière professionnelle.

"Les directeurs d'université en sont tout-à-fait conscients, parce qu'ils sont eux-mêmes des fonctionnaires du gouvernement. Ils viennent du même moule", déclare à l'AFP Li Datong, ex-rédacteur en chef au Quotidien de la jeunesse de Chine, un journal étatique.

- 'Faux par nature' -

"Le diplôme est authentique, ils ne l'ont pas acheté. Mais il est faux par nature. C'est une pratique répandue dans l'administration", estime M. Li, aujourd'hui voix critique du régime.

Aucun des six dirigeants incriminés n'a répondu à des questions envoyées par l'AFP.

Plus haute figure politique épinglée dans l'enquête, Chen Quanguo fait partie du bureau politique du PCC, le cénacle de 25 personnes qui détient la réalité du pouvoir en Chine.

Chef du Parti dans le Xinjiang depuis 2016, il est l'homme fort de cette région, régulièrement frappée par des attentats meurtriers, attribués par Pékin à des séparatistes de la minorité ouïghoure.

Chen Quanguo y a supervisé un vaste renforcement du contrôle policier. Jusqu'à un million de Ouïghours et de membres d'autres ethnies musulmanes seraient internés dans des camps. Pékin dément et assure qu'il s'agit de "centres de formation professionnelle" contre la radicalisation islamiste.

Sa thèse de doctorat remise à l'Université de technologie de Wuhan (centre) en 2004 inclut plus de 60 paragraphes copiés de celle de Zhu Yimin -- doctorant en 2002 à l'Université de Jinan (centre) et désormais professeur à l'Université Sun Yat-sen de Canton (sud).

D'autres pans du texte présenté par Chen Quanguo sont copiés pratiquement mot pour mot du travail remis en 2002 par Mo Zhihong -- diplômé de l'Académie chinoise des Sciences sociales et actuellement enseignant à l'Université de technologie de Pékin.

Sollicité par l'AFP, ce dernier n'a pas souhaité s'exprimer. L'Université de Wuhan n'a pas répondu à une demande de commentaire.

Le Département de l'organisation du Parti communiste -- responsable des promotions hiérarchiques et de la sanction des cadres -- a refusé de commenter les six affaires de plagiat.

- Des paragraphes copiés -

Révéler les méfaits de hauts fonctionnaires pourrait se révéler difficile pour les universités, qui sont contrôlées par le PCC.

"Dans bien des cas, les dirigeants du Parti obtiennent un diplôme par un établissement avec qui ils ont des liens, et qui pourrait bénéficier de leurs postes au gouvernement", explique à l'AFP un membre de l'université Renmin à Pékin, qui a requis l'anonymat.

Ancien vice-président, Li Yuanchao a rédigé en 1998 une thèse de doctorat: "Quelques questions concernant la production culturelle et artistiques socialistes", présentée à l'Ecole centrale du PCC.

Le texte comprend 20 paragraphes identiques à ceux écrits en 1991 dans le travail d'un certain Zhang Mingeng.

Une thèse de doctorat rédigée en 2004 par le vice-président de la Cour populaire suprême, Zhang Shuyuan, contient des dizaines de paragraphes copiés depuis un mémoire publié un an auparavant par une personne nommée Tan Wei: "Théorie et système du procès pénal en révision".

Un ex-directeur du Bureau d'Etat d'audit (Chen Zhaoyu), un ancien directeur du Bureau de la sécurité publique (Shi Jun) et l'ancien chef du Parti pour l'Administration nationale de la propriété intellectuelle (Xiao Xingwei) ont également copié des travaux universitaires.

Le gouvernement a adopté l'an passé des directives prônant une "tolérance zéro" à l'égard du plagiat, mentionnant plusieurs types de sanctions selon la gravité de l'infraction: retrait du diplôme, gel des promotions, voire licenciement.

L'Université de Nankin (est) a renvoyé l'an passé une professeure de sociologie, accusée d'avoir rédigé 15 articles de recherche en copiant des travaux d'autres personnes, selon un média d'Etat.

Mais aucun haut dirigeant du PCC n'a jamais été publiquement sanctionné.

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