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Chine: un intellectuel dissident disparu après une interview interrompue en direct

Un éminent intellectuel chinois critique du régime communiste a disparu et restait injoignable vendredi, après que des forces armées eurent fait irruption dans son appartement et interrompu l'interview qu'il donnait en direct à une télévision américaine.

L'universitaire retraité Sun Wenguang, octogénaire, accordait par téléphone un entretien à la chaîne télévisée en mandarin du réseau de médias Voice of America (VOA), financé par le gouvernement américain, lorsque les autorités ont surgi dans son domicile de Jinan (est de la Chine).

"La police est revenue pour me réduire au silence!", a hurlé M. Sun, dénombrant jusqu'à huit membres des forces de l'ordre, selon un enregistrement audio diffusé mercredi.

Avant que l'enregistrement ne s'interrompe, on entend l'intellectuel déclarer aux policiers: "Vous êtes ici en toute illégalité! J'ai ma liberté d'expression!".

Des appels répétés de l'AFP, vendredi, sur son téléphone portable comme à son domicile sont restés sans réponse, tout comme des messages sur l'application téléphonique WeChat. Le bureau de la Sécurité publique de Jinan n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP.

VOA "surveille attentivement la situation, et transmettra dès que possible de nouvelles informations aux auditeurs", a indiqué la porte-parole du réseau américain, Bridget Serchak.

L'incident illustre le durcissement, depuis cinq ans et l'arrivée au pouvoir du président Xi Jinping, de la répression des militants des droits civiques et voix dissonantes, la moindre critique du Parti communiste étant impitoyablement censurée et réprimée.

Sun Wenguang avait rédigé le mois dernier une lettre ouverte à Xi Jinping, où il fustigeait la "diplomatie du carnet de chèque" de Pékin en Afrique, alors même que le président chinois entamait une vaste tournée sur ce continent, selon VOA et des copies d'écran dont l'AFP n'a pu vérifier indépendamment l'authenticité.

"Ecoutez ce que j'ai dit, y avait-il quelque chose d’erroné?", a lancé M. Sun aux policiers surgissant chez lui. "Les gens sont pauvres (en Chine). N'allons pas jeter notre argent en Afrique, cela ne fait aucun bien à notre société", a-t-il tenté d'expliquer.

L'audacieux octogénaire, un des plus anciens militants des droits civiques en Chine, est soumis à une surveillance étroite des autorités.

Il avait co-signé en 2008 un manifeste prônant des élections libre, la Charte 08, un texte pour lequel l'universitaire Liu Xiaobo a été envoyé en prison, avant de recevoir le prix Nobel de la Paix et de décéder en détention.

En 2009, M. Sun avait été violemment battu en tentant de forcer un barrage de gardes armés devant sa résidence, alors qu'il voulait aller commémorer l'anniversaire du décès de Zhao Ziyang. Ce dernier était un dirigeant réformiste, ostracisé par le Parti pour s'être opposé en 1989 à la répression violente des manifestants pro-démocratiques de Tiananmen.

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