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Comme les Européens, l'Irak a un système pour contourner les sanctions contre l'Iran

Comme les Européens, Bagdad est en train de se doter d'un mécanisme de contournement des sanctions américaines contre Téhéran. Un système vital pour l'Irak, très dépendant de l'électricité iranienne, et fortement endetté auprès de son grand voisin.

En plein été, ses besoins en énergie sont vitaux alors que cette période de grandes chaleurs est généralement synonyme de manifestations réclamant un meilleur approvisionnement en électricité.

Le réseau énergétique irakien, décrépi, enregistre 40% de fuites et un tiers de la consommation en électricité est assurée par du courant ou du gaz venus d'Iran.

Le pays, qui a accumulé 1,7 milliard d'euros d'arriérés auprès de l'Iran pour du gaz et de l'électricité selon le ministre iranien Bijan Zangeneh, a dû trouver une solution, avec l'aval de Washington.

"Le gouvernement irakien va continuer à acheter du gaz à l'Iran en déposant de l'argent sur un compte en Irak, en dinars irakiens", explique à l'AFP un responsable gouvernemental.

- "Pas le choix" -

"L'Iran ne pourra pas retirer cet argent mais il pourra s'en servir pour acheter des biens hors d'Irak", poursuit ce responsable, sous le couvert de l'anonymat tant le sujet est sensible en Irak, pris en étau entre ses alliés Washington et Téhéran, eux-mêmes ennemis.

L'Irak devient en fait, glisse un autre responsable, "un distributeur de billets pour l'Iran" avec ce mécanisme semblable au système Instex de troc européen, tout juste opérationnel selon l'UE.

"Nous n'avons pas d'autre choix. Par quel autre moyen pourrions-nous payer ce que nous devons à l'Iran?", renchérit un troisième responsable gouvernemental.

Washington a déjà accordé à l'Irak une exemption de ses sanctions contre Téhéran jusqu'à octobre, et un responsable américain a confirmé à l'AFP que Washington était au courant de la création de ce nouveau mécanisme financier.

L'ambassade américaine à Bagdad a refusé tout commentaire. L'ambassade d'Iran, elle, n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP.

Selon l'agence officielle iranienne Irna, les banques centrales d'Iran et d'Irak se sont accordées en février sur des méthodes de paiement pour ne pas tomber sous le coup des sanctions américaines.

Aucun dollar ne sera utilisé et seuls des "biens humanitaires" --comme de la nourriture et des médicaments-- pourront être achetés.

Aucun des responsables irakiens n'a été en mesure de dire si les dépôts avaient débuté mais au moins deux d'entre eux ont assuré qu'ils seraient faits sur un compte à la Trade Bank of Iraq (TBI), l'établissement public qui a assuré la majorité des transactions internationales du gouvernement depuis la chute de Saddam Hussein en 2003.

Un haut responsable de la TBI a confirmé à l'AFP que la banque participait aux négociations mais a indiqué que le compte n'avait pas encore été ouvert.

- "Registre" de crédit -

"Le Trésor américain fait confiance aux mécanismes de la TBI, nous sommes en discussion pour un accord qui ne violerait aucune sanction américaine", souligne-t-il.

L'Irak tiendra "une sorte de registre", explique à l'AFP l'économiste Ahmad Tabaqchali, de l'Institute of Regional and International Studies de Souleimaniyeh. "On enregistre ce qui a été payé et on sait que l'Iran a autant de crédit en Irak".

Mais le système reste soumis aux aléas politiques et financiers et aux complications pratiques en Irak, dont l'économie est basée quasi-exclusivement sur les revenus du pétrole, payés en dollars --ce qui expose grandement Bagdad à des sanctions américaines en cas d'impair.

Au vu de la balance commerciale hors hydrocarbures entre Iran et Irak --5,7 milliards d'euros d'achats irakiens contre 66 millions d'euros d'achats iraniens--, il est difficile d'imaginer comment Téhéran va dépenser ses lignes de crédit à Bagdad.

Acheter alors en dehors d'Irak nécessitera un tiers prêt à prendre le risque politique et financier d'une telle transaction, prévient M. Tabaqchali.

Concernant les échanges entre les deux voisins, il reste toujours une autre option: la grande majorité des achats de biens de consommation iraniens depuis l'Irak se font en liquide.

Or, "les transferts en liquide sont intraçables" pour les Américains, conclut l'expert.

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