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Comment le groupe Etat islamique a semé la terreur en France

Janvier 2015: la France est meurtrie par les attentats à Paris contre Charlie Hebdo et un supermarché cacher. Mais elle ne se doute pas que débute alors une vague d'attaques sans précédent portant la signature du groupe Etat islamique, dont la chute a été annoncée samedi.

"Vous attaquez le califat, on vous attaque": le 11 janvier 2015, dans une revendication posthume, Amédy Coulibaly, l'un des trois assaillants abattus après les attentats du 7 au 9 janvier contre le journal satirique, une policière à Montrouge et le magasin Hyper Cacher (17 morts), déclare avoir prêté allégeance à l'organisation jihadiste, qui a proclamé le 29 juin 2014 le "califat" dans la zone irako-syrienne.

Ces attentats annoncent une vague d'attaques préparées ou téléguidées par l'EI ou inspirées par ses consignes, qui ont fait 251 morts depuis quatre ans.

Si dès 2012, le jihadiste Mohamed Merah avait assassiné 7 personnes dans le sud-ouest de la France, l'Hexagone est, pour la première fois, frappé massivement sur son sol, par ses propres citoyens.

"Les attentats de janvier 2015 marquent un tournant", déclare à l'AFP Anne Giudicelli, fondatrice du cabinet TERR(o)RISC. "En montrant la fragilité de la France, ils ont encouragé des jihadistes à commettre une action d'ampleur".

Dix mois plus tard, au soir du 13 novembre 2015, 130 personnes sont tuées à Paris et Saint-Denis par trois commandos de jihadistes de retour de Syrie - dont trois Français. Le choc est immense. Le président de l'époque François Hollande évoque un "acte de guerre".

- Etat d'urgence -

Si elle n'est pas la seule visée par cette ce jihadisme violent prospérant sur les fractures sociales, la France, pays de l'interdiction du voile intégral et allié de la coalition anti-EI menée par Washington, est bien une cible privilégiée. Elle a d'ailleurs fourni à l'EI l'un des plus importants contingents de candidats au départ.

Immédiatement après le 13-Novembre, le gouvernement décrète l'état d'urgence, décision rarissime et prélude d'une ère de restriction des libertés.

Perquisitions, assignations à résidence, écoutes... Ce régime d'exception est reconduit à plusieurs reprises avant d'être remplacé le 1er novembre 2017 par une loi antiterroriste qui pérennise certaines mesures.

Malgré cela, à grand renfort de propagande, l'EI montrera sa capacité à installer la terreur en incitant au "jihad individuel". L'organisation appelle ses "soldats" restés en Europe à frapper les "mécréants" et des symboles de l'Etat - policiers et militaires - ou à faire un maximum de victimes.

Le 14 juillet 2016 à Nice, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, trentenaire tunisien fasciné par l'imagerie ultraviolente de l'EI, lance un camion sur la promenade des Anglais, tuant 86 personnes. Si rien ne permet de le relier à la sphère jihadiste, son "action solitaire" s'inscrit dans les incitations au meurtre de l'EI.

Cette année-là, d'autres attaques feront écho aux incessants appels lancés depuis la zone irako-syrienne par le propagandiste roannais Rachid Kassim. "Inspirateur" de l'homme qui a assassiné en juin 2016 deux policiers à Magnanville, il a également "délivré directement ses consignes" aux deux jeunes qui ont tué un mois plus tard un prêtre de l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, selon les enquêteurs.

Il y a tout juste un an, Radouane Lakdim, un délinquant radicalisé, avait, lui, tué quatre personnes dans l'Aude, dont le gendarme Arnaud Beltrame, une attaque aussitôt revendiquée par l'EI.

- "Menace endogène" -

Aujourd'hui, le phare du "jihad global" a considérablement pâli. "Il y a de moins en moins de procédures avec interpellations pour des passages à l'acte. La déroute militaire de l'EI y est pour quelque chose", résumait cet été un enquêteur. "La propagande est beaucoup moins élaborée (...) mais elle est encore importante", a totefois mis en garde un haut responsable antiterroriste.

"Un danger majeur pour notre pays est éliminé", s'est félicité samedi le président Emmanuel Macron, après l'annonce de la chute du califat, tout en assurant que la menace "demeure".

Elle est désormais "endogène", observait fin 2018 François Molins avant de quitter son poste de procureur de Paris. Il y a une "sorte de zone grise dans laquelle il peut être difficile de distinguer ce qui relève de l'association de malfaiteurs terroristes de ce qui relève des problèmes psychologiques", expliquait celui qui a incarné pendant toutes ces années la lutte antiterroriste en France.

Dernières illustrations de cette menace: l'attentat de Strasbourg, qui a fait 5 morts en décembre, ou la récente agression de deux surveillants à la prison de Condé-sur-Sarthe par un détenu radicalisé.

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