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Comment parler des attentats en famille ? Ne pas cacher les choses, mais attention aux mots

Comment les parents peuvent-ils aborder les attentats de Paris avec leurs enfants, quand ils sont eux-mêmes choqués et désemparés ? Pour les spécialistes de l'enfance, il faut en parler, mais en pesant bien les mots et sans trop se laisser submerger par des émotions propres aux adultes.

Plus ils sont petits, plus le sujet apparaît difficile. A partir de quel âge peut-on leur dire ? Sur ce point, les avis divergent: "très tôt, dès trois ans", répond Bernard Golse, chef de service de pédopsychiatrie à l'hôpital Necker.

"Ils ressentent l'angoisse et les troubles des adultes. Or le silence est encore plus inquiétant parce qu'ils imaginent bien pire", estime le Dr Golse. Et peu importe si on s'y prend pas bien: "il n'y a pas de manière de le dire mal, mais ne pas le dire est forcément mal".

Pour la pédopsychologue Jeanne Siaud-Facchin au contraire, avant six ans (le CP), mieux vaut laisser les enfants le plus possible "à l'écart" des événements car ils n'ont pas la "capacité psychique de comprendre".

"Il n'y a pas de règle, concède-t-elle, mais il est important de les laisser dans leur monde d'enfance, de ne pas les exposer aux images ou aux mots car ils absorbent des émotions qui ne prennent pas sens. La seule chose qu'ils pourront capter, c'est une peur brute et inquiétante".

En revanche, s'ils posent des questions, inutile de leur mentir. "Mieux vaut alors rester flou. Dire que +des guerriers ont attaqué le pays+, ou encore qu'on est inquiet parce qu'il s'est passé des choses graves dans le monde des adultes qui ne les concernent pas", dit-elle.

"Certains parents, déboussolés, se disent à tort qu'ils doivent être en transparence absolue avec leurs enfants et anticiper leurs questions. Mais les petits ont l'habitude qu'on ne leur parle pas de certaines choses", poursuit Jeanne Siaud-Facchin.

A partir de six ans, en parler devient indispensable, d'autant que les écoles élémentaires aborderont le sujet dès lundi. "Dès vendredi soir j'ai posté des conseils aux parents sur ma page Facebook", raconte la psychologue.

- 'Je suis là pour te protéger' -

Comment expliquer ? Tout d'abord, éviter d'employer des termes comme "carnage", "tuerie" ou "bain de sang". "Ces mots font encore plus peur que les images. Ils entretiennent la violence des émotions", observe Caroline Gaertner, journaliste au Journal des enfants.

L'hebdomadaire à destination des 9-14 ans préfère ainsi écrire "très grave" que "horrible".

Faut-il parler de "guerre", de "terrorisme" ? La journaliste s'interroge car "le mot guerre pour un enfant signifie qu'il y a des combats partout".

Selon Jeanne Siaud-Facchin, le "guerre" est au contraire ce qui parle le plus aux enfants. "Ils en ont entendu parler plus petits, puis dans leurs cours d'histoire. On peut leur dire que le terrorisme est une nouvelle forme de guerre, que des guerriers veulent nous combattre. Mais sans rentrer dans les détails et sans parler de +fous+, parce qu'un fou, c'est ingérable", conseille-t-elle.

Dans une société multi-information, difficile de cacher les Unes de la presse qui s'étalent partout, mais "s'ils entendent ou voient des choses qui peuvent les terrifier, les parents sont là pour servir de décodeurs", estime la psychologue.

"Si l'enfant a peur, il faut lui dire que c'est normal, que nous aussi. Mais le rassurer en lui disant +tu ne risques rien+, parce que des mesures de protection sont prises en France, et parce +je suis là pour te protéger+, non pas comme un super héros, mais affectivement", poursuit-elle, ajoutant: "le moment tragique qu'on vit doit se transformer en moment d'amour avec nos enfants".

"Partager une émotion, ça fait du bien à tout le monde", renchérit le Dr Golse.

Attention, cependant, à ne pas projeter nos propres angoisses quant à l'avenir sur des enfants qui vivent davantage dans le présent. "En tant que parent, il faut toujours penser à faire un pas de côté", conclut Jeanne Siaud-Facchin.

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