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Contre les "lacrymos", les ingénieuses techniques des manifestants à Hong Kong

A peine la grenade lacrymogène a-t-elle explosé qu'un manifestant sprinte vers elle pour l'étouffer avec un cône de signalisation. La scène est de plus en plus récurrente depuis le début de la contestation à Hong Kong, qui a vu les protestataires développer d'ingénieuses tactiques.

La mégapole du Sud de la Chine traverse depuis deux mois sa crise politique la plus grave depuis sa rétrocession par Londres en 1997. Quasi quotidiennes, les manifestations sont aussi très souvent émaillées de heurts avec les forces de l'ordre.

Celles-ci ont également musclé leur riposte face à des protestataires de plus en plus violents, ce qui a été illustré par l'utilisation de 800 grenades lacrymogènes lors de la seule journée de lundi, surnommée le "festival des lacrymos" par les manifestants.

Au fil des confrontations avec la police, ces derniers ont rodé leurs tactiques pour se protéger des gaz.

Dans l'arsenal du parfait manifestant, on trouve les gants ignifuges résistants à la chaleur pour empoigner des grenades brûlantes ou encore les masques à gaz surnommés "groins de cochon" en cantonais.

xLes forums en ligne regorgent de discussions sur les modèles de masques les plus adaptés, sur les meilleures adresses où les acheter.

"Il m'en faut vraiment un! Il est déjà difficile de trouver de bons masques", écrit un internaute.

Lors des manifestations, on échange les conseils sur leur utilisation.

- Un banal couvercle de wok -

Mais les protestataires ont aussi mis en place des "unités" spécialisées tout particulièrement dans la gestion des grenades qui émettent des lacrymogènes dès qu'elles sont tirées par la police.

Certains couvrent leurs bras de film alimentaire pour éviter les irritations provoquées par les gaz et transportent un stock de sérum physiologique pour rincer les yeux de quiconque est incommodé.

Parfois une grenade est saisie et retournée à l'envoyeur, parfois elle est sommairement aspergée à l'aide de bouteilles d'eau.

Mais la tactique la plus élaborée est celle du cône de signalisation qu'un permier manifestant pose sur la grenade fumante pour contenir son gaz, avant qu'un deuxième n'arrive pour verser de l'eau par le trou qui est à sa pointe, afin de la noyer.

"Ce qui se passe à Hong Kong a permis aux manifestants d'apprendre et de développer leurs tactiques", observe Tony Davis, un spécialiste des questions de sécurité basé à Bangkok pour le groupe IHS Jane's.

"Ils sont en un sens en train de devenir une armée organisée, ce qu'ils n'étaient pas initialement."

Ils sont peut-être une "armée", mais leur équipement est particulièrement artisanal, venu parfois tout droit des placards de la cuisine.

Beaucoup de manifestants partent ainsi défiler avec dans leur sac un couvercle de wok, un ustensile banal qui s'est avéré redoutable pour étouffer les grenades.

La plupart ne sortent plus sans leur parapluie, là encore pour se protéger des gaz, ou sans leurs lunettes de piscine, efficace contre les vaporisateurs de gaz poivre.

Si les gaz lacrymogènes sont une arme de choix des polices anti-émeute du monde entier, leur utilisation était relativement rare à Hong Kong avant le début de la mobilisation en juin.

Le recours aux lacrymogènes était tellement inhabituel dans une ville peu habituée aux confrontations de rue comme Hong Kong qu'il avait d'ailleurs suscité un tollé général lors du "Mouvement des parapluies" de 2014.

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