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Crimes contre l'humanité: un ex-soldat syrien, écroué en France, clame son innocence

Déserteur de l'armée syrienne ou complice des crimes du régime de Bachar al-Assad ? Incarcéré en France en février, un réfugié syrien se bat depuis neuf mois pour tenter d'établir son innocence.

Mis en examen et écroué le 15 février pour "complicité de crimes contre l'humanité", Abdulhamid C., 31 ans, reste à ce jour le seul suspect arrêté en France dans la traque des responsables des atrocités commises par la dictature syrienne.

Interpellés en Allemagne le même jour que lui, deux ex-membres des services secrets doivent y être jugés début 2020 à Coblence (ouest), tandis que les investigations françaises se poursuivent.

Quel rôle a joué ce réserviste d'Alep dans la répression du Printemps arabe et les débuts de la guerre civile ? Enrôlé en mars 2011, Abdulhamid C. a servi jusqu'en 2013 dans des unités de la Sûreté d'Etat accusées d'exactions, telles que la "branche al-Khatib" à Damas.

Dans leurs prisons, des milliers de manifestants ont été "entassés dans des cellules surpeuplées" et "torturés", rappellent les enquêteurs français. Beaucoup sont morts à cause "des conditions inhumaines de détention".

Ces opposants, arrêtés avec l'aide des réservistes, étaient forcés à monter dans des bus, où ils étaient "frappés à l'aide de bâtons, parfois cloutés, et de matraques".

- Tâches administratives -

Outre les témoignages de rescapés, les enquêteurs s'appuient sur le dossier "César", du nom d'un photographe militaire exfiltré sous ce pseudonyme avec des milliers de clichés documentant ces sévices.

Pour l'accusation, l'affectation d'Abdulhamid C. dans la "branche al-Khatib" puis à la section 40, autre unité d'élite, ne doit rien au hasard mais récompensait un "patriotisme particulier" et nécessitait "des preuves de loyauté".

Abdulhamid C. rétorque avoir été "arbitrairement sélectionné" dès son service militaire en 2006 et n'avoir pu s'y opposer sans risquer des représailles. De confession sunnite, il n'avait pas la confiance de sa hiérarchie alaouite et était affecté à des tâches administratives et ménagères.

Selon lui, il n'aurait assisté qu'à "neuf ou dix manifestations", à distance et non-armé. Du sort des prisonniers, il dit ne pas savoir grand-chose, ayant été tenu à l'écart.

Début 2013, il est emprisonné par son unité avec son voisin de dortoir, soupçonné d'espionnage au profit de l'Armée syrienne libre.

Son compagnon meurt en détention, lui est libéré après 3 mois et demi, pour raison médicale. A l'été, le réserviste en profite pour fuir en Turquie avec toute sa famille.

- Grève de la faim -

Arrivé clandestinement en France en 2015, il n'apparaît dans le viseur de la justice que fin 2017, après un signalement de l'Ofpra qui venait de refuser sa demande d'asile.

Une enquête est ouverte mais les investigations ne débutent qu'en novembre 2018. Le mois précédent, Abudlhamid C. vient d'obtenir le statut de réfugié.

La Cour nationale du droit d'asile a en effet jugé ses déclarations "cohérentes", estimant qu'il n'avait eu "aucune responsabilité" et que rien n'attestait une "participation active (...) à la chaîne répressive" du régime syrien.

Un avis qui n'est pas partagé par le parquet de Paris et l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité (OCLCH), qui procèdent trois mois plus tard à son interpellation en banlieue parisienne.

Après neuf interrogatoires devant la juge d'instruction, Abdulhamid C. a demandé sa libération début novembre. Devant le refus de la magistrate, il a saisi la cour d'appel de Paris qui doit trancher dans les prochains jours.

Le Syrien a aussi déposé une requête en annulation de sa mise en examen, qui devra être examinée dans les prochains mois par cette même cour.

"Contrairement à ce qui a été largement dit et écrit, aucun témoignage ni élément matériel au dossier ne permet d’imputer personnellement la moindre exaction, torture ou même violence", font valoir ses avocats, Me Margaux Durand-Poincloux et Pierre Darkanian.

Abdulhamid C. a entamé depuis mercredi une grève de la faim, ont annoncé ses avocats, qui s'inquiètent pour sa santé psychique.

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