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Crise existentielle pour l'industrie du film au CinemaCon de Las Vegas

Disparition de la 20th Century Fox, montée en puissance des plateformes de streaming: les professionnels réunis cette semaine à Las Vegas pour le CinemaCon, leur conférence annuelle, sont en pleine crise existentielle.

Devant la recomposition du paysage cinématographique qui se profile, les milliers d'exploitants de salles, de journalistes spécialisés et d'autres membres de l'industrie en oublieraient presque le confort des avant-premières traditionnelles, qui font office de pain quotidien dans ce petit monde.

Premier choc à digérer pour Hollywood, l'absorption par le géant Disney de la majeure partie des actifs du groupe Fox, dont la vénérable 20th Century Fox et ses studios créés en 1935 à Los Angeles.

Disney, désormais numéro un mondial des médias et du divertissement, a mis sur la table 71,3 milliards de dollars pour cette prise de contrôle qui ne marque pas la fin des grosses productions de la Fox - Disney va conserver la marque et son logo - mais bien la fin d'une époque.

"Nous avons perdu des amis", "des partenaires qui ont travaillé avec nous depuis le début", a lancé lundi soir le directeur du CinemaCon, Mitch Neuhauser. "Ils vont nous manquer", a-t-il assuré, adressant "un coup de chapeau" aux équipes de la Fox qui seront laissées sur le carreau par cette acquisition: au moins 4.000 employés selon les spécialistes.

Certes, "les affaires sont les affaires" et "nous souhaitons le meilleur à Disney", a poursuivi M. Neuhauser, qui n'a tout de même pas pu s'empêcher de dire que relever que cette mutation lui laissait un arrière-goût "extrêmement doux-amer"...

Après la production de contenus, le groupe Disney s'apprête à élargir ses canaux de distribution en lançant sa propre plateforme de vidéos à la demande, un secteur dans lequel il espère concurrencer rapidement le champion Netflix.

Le directeur général de Disney, Bob Iger, a qualifié le lancement de cette plateforme, baptisée "Disney+", de "principale priorité" du groupe pour 2019.

- La peur du streaming ? -

Disney n'est pas seule à miser sur cette stratégie. D'autres grands studios, tels Universal (via Comcast) ou Warner Bros, prévoient eux aussi de lancer des plateformes de streaming dans les mois à venir.

Cela suscite de nombreuses interrogations chez les professionnels du cinéma. Les gérants de salles notamment se demandent si ces grandes manoeuvres dans le streaming ne vont pas aboutir à une réduction de la période d'exclusivité de 90 jours dont les cinémas bénéficient aux Etats-Unis pour diffuser un film avant sa sortie sur d'autres supports.

Une telle décision apporterait de l'eau au moulin de Netflix, toujours vivement critiqué pour avoir privilégié la distribution de ses oeuvres sur internet, au détriment des salles de cinéma.

"J'espère qu'un jour Netflix comprendra que s'ils veulent vraiment produire des films, il faut que ces films sortent au cinéma", a ainsi déclaré le Français Jérôme Seydoux, 84 ans, patron du groupe Pathé récompensé lundi au CinemaCon.

"On ne peut pas produire des films d'un certain calibre, avec de grands réalisateurs, sans les montrer au public (...). S'ils ne sont pas présentés au cinéma, ce ne sont pas des films. Comme dit (le réalisateur Steven) Spielberg, ce sont des produits pour la télévision ", a-t-il poursuivi, ovationné debout par les participants du CinemaCon.

Farouche opposant à Netflix, Steven Spielberg a proposé d'empêcher la plateforme de concourir aux Oscars, malgré son récent succès lors de la dernière édition, avec trois récompenses pour sa production "Roma", réalisée par le Mexicain Alfonso Cuaron et acclamée par la critique.

Le mythique réalisateur a affirmé que si des films sont majoritairement diffusés sur internet, leur place est chez les Emmy Awards qui récompensent des oeuvres télévisuelles.

Certains acteurs de la filière se veulent toutefois plus philosophes face aux changements qui s'annoncent, à l'instar de Ray Nutt, PDG du distributeur Fathom Events.

"Je suis dans l'industrie cinématographique depuis 30 ans et il y a toujours eu des choses qui étaient censées mettre le cinéma sur la paille: les cassettes VHS, la télévision par câble, ce genre de choses", explique-t-il à l'AFP.

"Mais c'est une industrie qui a de la ressource. Les gens veulent toujours sortir de chez eux, vivre une expérience en commun. Je sais que ça ressemble à un cliché, mais c'est la réalité", assure M. Fathom, qui attire effectivement les foules avec des projections célébrant les 35 ans de "Karaté Kid" ou les 80 ans de "Autant en emporte le vent".

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