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Dans le nord de l'Irak, les Yazidis font leurs adieux à leur chef spirituel

Postées en bord de route, solennelles, des femmes regardent passer la dépouille de leur prince Tahsin Saïd Ali, portée au milieu d'un nuage d'encens. La minorité yazidie d'Irak a fait ses adieux lundi à son chef spirituel, après avoir vécu l'enfer des jihadistes.

Sur la route menant au temple de Lalech, centre spirituel de cette minorité kurdophone, dans le nord montagneux de l'Irak, des milliers d'hommes et de femmes accompagnent aujourd'hui le cercueil de bois brun recouvert de fleurs, à la veille d'un enterrement où est attendue une foule plus immense encore.

Tous ici ont vécu trois années d'occupation par le groupe jihadiste Etat islamique (EI).

En débarquant, à l'été 2014, dans le foyer historique des Yazidis sur les monts Sinjar, les jihadistes ont tué des hommes, transformé les plus jeunes en enfants-soldats et des milliers de femmes en esclaves sexuelles. L'ONU enquête sur ces atrocités.

Après avoir traversé ces épreuves, les Yazidis, dont beaucoup vivent toujours dans des camps de déplacés, ressentent aujourd'hui "un grand vide avec la mort du prince Tahsin", affirme à l'AFP l'un d'entre eux, Abdel Khamouma.

"C'est un jour de grande tristesse", confie cet homme coiffé d'un keffieh, les larmes aux yeux. Un peu plus loin, jouant de la flûte et du tambourin, un groupe de musiciens vêtus de blanc accompagnent l'immense cortège funéraire.

Le corps du prince Tahsin, qui avait succédé à son père en 1944 à l'âge de 11 ans, est arrivé lundi en Irak, après son décès il y a une semaine en Allemagne où il s'était exilé.

Les Yazidis pratiquent une religion ésotérique monothéiste dépourvue de livre sacré et organisée en castes. Ils vénèrent sept anges dont le principal est Melek Taous ("l'Ange-Paon"), ce qui leur a valu depuis des siècles d'être persécutés par les extrémistes, qui les considèrent comme "satanistes".

Selon les autorités de la région autonome du Kurdistan irakien, plus de 6.400 Yazidis ont été enlevés par l'EI et seule la moitié d'entre eux a pu s'échapper ou être secourue. Le sort des autres est toujours inconnu.

Sur les 550.000 Yazidis que comptait l'Irak en 2014, près de 100.000 ont quitté le pays et d'autres sont déplacés au Kurdistan.

Aujourd'hui, leur principale porte-parole est Nadia Murad, prix Nobel de la paix et ancienne esclave sexuelle de l'EI qui milite, aux côtés de l'avocate libano-britannique Amal Clooney, pour que les crimes jihadistes soient jugés et que les persécutions commises par l'EI soient reconnues comme un "génocide".

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