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Destitution: entre Trump et les démocrates, un "affrontement historique"

En refusant de coopérer dans l'enquête en vue d'une procédure de destitution contre Donald Trump, la Maison Blanche a plongé les Etats-Unis dans une situation inédite: un "affrontement historique" entre le Congrès et l'exécutif qui, au-delà de la bataille juridique, provoque un duel politique explosif à l'approche des élections de 2020.

- Une situation sans précédent? -

"Il s'agit d'un affrontement historique", juge Chris Edelson, professeur de sciences politiques à l'American University de Washington.

Avant Donald Trump, seuls trois présidents américains ont fait l'objet d'une procédure en vue d'une destitution. Et cette fois, le clash constitutionnel est spectaculaire.

En dénonçant une "enquête partisane et anticonstitutionnelle", l'avocat de la Maison Blanche Pat Cipollone a annoncé mardi que Donald Trump ne coopérerait pas avec les investigations des démocrates.

"La Constitution établit clairement que la Chambre peut mener sa procédure de destitution contre Trump de la façon dont elle l'entend", a rétorqué Laurence Tribe, professeur de droit constitutionnel à Harvard, dans les pages de USA Today mercredi.

Dans une procédure de destitution aux Etats-Unis, la Chambre des représentants enquête puis vote une mise en accusation ("impeachment"), avant que le Sénat ne mène le "procès".

Les républicains déplorent notamment que les démocrates de la Chambre n'aient pas organisé de vote pour marquer formellement l'ouverture de l'enquête.

Mais "rien dans les règles de la Chambre ne requiert" une telle résolution, écrivait récemment Frank Bowman, professeur de droit à l'université du Missouri.

En "refusant de coopérer", Donald Trump adopte une stratégie qui "rappelle certaines des tactiques de (Richard) Nixon", estime Chris Edelson. Visé en 1974 par une procédure de destitution, le président républicain avait notamment combattu en justice plusieurs injonctions du Congrès.

"L'approche de Trump va cependant plus loin", selon M. Edelson, "car elle semble dénoter une tentative plus coordonnée de refuser globalement de coopérer avec l'enquête du Congrès".

- Comment sortir de la guerre des tranchées? -

La bataille promet de rapidement se transformer en féroce combat juridique. Et finira "probablement" devant la Cour suprême, a estimé Donald Trump mercredi.

Peu de spécialistes en droit constitutionnel soutenaient mercredi la lettre de la Maison Blanche, en soulignant que la Chambre disposait du "seul pouvoir" constitutionnel de mener une telle procédure.

"Aucun tribunal sensible aux principes les plus élémentaires de séparation des pouvoirs ne pourrait sérieusement envisager de permettre à la Maison Blanche de s'immiscer dans les affaires" du Congrès, estime Laurence Tribe.

Face à un combat judiciaire qui promet de s'enliser, les démocrates pourraient décider d'agir vite au Congrès, en s'appuyant sur les éléments dont ils disposent déjà dans l'affaire ukrainienne.

Avec en premier lieu la transcription de l'appel entre Donald Trump et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, où l'on a découvert que le milliardaire américain lui avait bien demandé de chercher des informations compromettantes sur son rival démocrate Joe Biden.

Déjà, la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, a prévenu que le refus de la Maison Blanche de coopérer serait "considéré comme de nouvelles preuves d'entrave" à la justice. Or ce fut l'un des motifs de destitution retenus contre M. Nixon, avant sa démission.

Mais la puissante démocrate a mis en garde contre une procédure trop précipitée qui nourrirait l'impression d'une démarche partiale.

- Des enjeux plus politiques? -

Car un +impeachement+ est avant tout un combat politique, dans lequel il faut à tout prix gagner l'opinion publique... et s'assurer du soutien des siens.

A l'approche des élections présidentielle et législatives de novembre 2020, lorsque Donald Trump jouera un second mandat, la lutte promet d'être sans merci.

Le magnat de l'immobilier a concédé lui-même la semaine dernière que la Chambre, contrôlée par les démocrates, voterait certainement en faveur de son "impeachment".

La bataille finale se jouera donc probablement au Sénat, à majorité républicaine.

Si le soutien républicain en faveur du président y apparaît encore solide, quelques voix très critiques se sont fait entendre.

Et ces petites failles pourraient devenir des brèches béantes si les élus constataient, en pleine campagne pour leur réélection, que dans les circonscriptions très disputées l'opinion commençait à se retourner contre Donald Trump.

Pour Chris Edelson, "la question-clé sera de voir si les républicains du Congrès tournent le dos au président".

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