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Discuter avec la Corée du Nord, la présidence Trump à un tournant

L'offre de la Corée du Nord de discuter de son arsenal nucléaire directement avec les Etats-Unis entraîne Donald Trump dans un exercice de haute-voltige diplomatique, le président américain faisant preuve pour l'instant d'une retenue inhabituelle.

"Je ne veux pas trop parler de choses que nous ne connaissons pas encore", a-t-il déclaré dans le Bureau ovale, restant sur la réserve en attendant d'en savoir davantage sur l'offre en apparence alléchante de Pyongyang transmise par la Corée du Sud.

Les détails restent flous mais la Corée du Nord a promis qu'elle pourrait geler ses essais d'armement controversés en échange de pourparlers avec les Etats-Unis.

Kim Jong Un, le dirigeant nord-coréen, serait même prêt à abandonner son programme d'armes nucléaires si Washington renonçait à toute action militaire et à un changement de régime.

Des responsables américains, japonais et sud-coréens ont prévu de se rencontrer dans les prochains jours à Washington.

Si le président républicain a qualifié l'offre nord-coréenne de "très positive", le doute règne au sein de son administration.

"Il est évident que nous sommes prudemment optimistes", a déclaré mercredi le ministre américain de la Défense Jim Mattis. "Mais nous avons déjà été optimistes et nous allons donc voir s'il y a des actions et si elles correspondent aux déclarations".

"Je suis très sceptique", avait déjà déclaré Dan Coats, chef des services de renseignement américain, lors d'une audition au Congrès mardi. "C'est peut-être une avancée. J'en doute fortement. Comme je l'ai dit, il y a toujours un espoir".

Pour un haut responsable américain s'exprimant sous couvert d'anonymat: "nous avons une longue histoire, 27 ans, de discussions avec la Corée du Nord. Il y a aussi 27 ans d'histoire pendant lesquels ils ont rompu tout accord jamais passé avec les Etats-Unis".

- 'Profondément sceptique' -

La disposition de Donald Trump à renoncer --du moins pour l'instant-- à sa joute verbale belliqueuse avec le "petit homme fusée", comme il a plusieurs fois qualifié le leader nord-coréen, paraît être par opportunité mais aussi par nécessité.

Evan Medeiros, ancien responsable Asie au sein du Conseil de la sécurité nationale du président démocrate Barack Obama, a estimé probable que Pyongyang --qui n'a pas encore commenté son offre-- tente en réalité de semer la zizanie entre Séoul et Washington.

"Je suis profondément sceptique", a-t-il confié à l'AFP. "Pyongyang utilisera ses discussions pour gagner du temps et (prendre) l'avantage".

D'autant que les deux alliés diffèrent déjà dans leur approche: le nouveau président sud-coréen Moon Jae-in préfère brandir la carotte, tandis que Washington penche pour le bâton.

Et si le président américain fermait prématurément la porte au nez de Pyongyang, cela pourrait peser davantage sur leurs relations et sur une application rigoureuse des sanctions internationales.

La proposition nord-coréenne pourrait aussi aggraver les divisions au sein même de l'administration Trump, notamment entre H.R. McMaster, son conseiller à la sécurité nationale, partisan d'une ligne dure, et le chef du Pentagone, Jim Mattis, plus modéré.

Mais après une vague de départs de la Maison Blanche -- dont le conseiller économique Gary Cohn mardi--, le milliardaire peut difficilement se permettre une autre démission de protestation.

Sans ambassadeur en Corée du Sud, sans envoyé spécial sur le nucléaire et avec un département d'Etat aux abonnés absents, il n'est pas certain que M. Trump dispose des ressources nécessaires pour engager de vraies discussions tout en maintenant la pression de la communauté internationale sur la Corée du Nord, selon M. Medeiros. Ceci dans l'hypothèse où l'offre nord-coréenne est sérieuse.

- Diplomatie -

Mais les autres options de Donald Trump sont plus extrêmes.

Des responsables américains ont admis en privé qu'une attaque de type "bloody nose" --intimider Kim Jong Un avec une frappe militaire préventive-- n'avait jamais été sérieusement envisagée.

Selon eux, toute frappe contre la Corée du Nord nécessiterait une puissance militaire de grande envergure et mettrait certainement en danger immédiat environ 30.000 militaires américains et des millions de ressortissants d'alliés en Corée du Sud.

La diplomatie semble donc être la meilleure option mais Donald Trump a clairement indiqué ne pas vouloir laisser "pourrir" la situation.

En novembre 2016, le président Obama l'avait averti qu'il pourrait avoir à prendre une décision fatidique sur la Corée du Nord, selon des personnes au courant des discussions.

Les décisions de M. Trump, désormais installé dans le Bureau ovale, pourrait permettre de sortir d'années d'impasse et conduire soit à la table des négociations ou soit au combat.

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