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Donald Trump déclare la guerre économique à la Turquie: la monnaie turque chute de 19% face au dollar

Le président américain Donald Trump a accru vendredi la pression sur la Turquie, dont l'économie est déjà fragilisée, en annonçant une forte augmentation des taxes à l'importation sur l'acier et l'aluminium turcs. "Je viens juste d'autoriser le doublement des taxes douanières sur l'acier et l'aluminium en provenance de Turquie puisque leur monnaie, la livre turque, descend rapidement contre notre dollar fort", a affirmé M. Trump dans un tweet.

La Maison Blanche ayant déjà imposé en mars des tarifs douaniers supplémentaires à hauteur de 25% et 10% sur les importations d'acier et d'aluminium, cela signifie que ces produits seront désormais taxés à hauteur de respectivement 50% et 20%. "Nos relations avec la Turquie ne sont pas bonnes en ce moment", a conclu Donald Trump.


Sur fond de crise diplomatique

Cette annonce intervient en effet au moment où la Turquie est embourbée dans une grave crise diplomatique avec les Etats-Unis au sujet d'un pasteur américain détenu par Ankara. Ces deux alliés au sein de l'Otan se sont imposés, la semaine dernière, des sanctions réciproques contre des responsables gouvernementaux.

Une rencontre entre de hauts diplomates américains et turcs mercredi n'a débouché sur aucune avancée notable en vue d'apaiser les tensions. Des observateurs s'attendaient dès lors à ce que Washington impose de nouvelles sanctions pour accroître la pression afin de faire libérer le pasteur.

Touchée de plein fouet par cette crise diplomatique et par les inquiétudes face à d'éventuelles répercussions sur des banques européennes, la livre turque a chuté vendredi à un plus bas historique, enregistrant une baisse de 19% face au dollar sur la journée. La devise turque s'échangeait à 6,6115 pour un dollar à 13H35 GMT. Elle était brièvement descendue à 6,87 après l'annonce de M. Trump.

Les investisseurs sont de plus en plus inquiets de l'imminence d'une crise monétaire totale

Cet effondrement qui pousse la Turquie vers une crise monétaire survient sur fond de fortes tensions diplomatiques entre Ankara et Washington et de défiance croissante des marchés envers l'équipe économique de M. Erdogan. L'impact en a été ressenti au-delà des frontières turques, les actions de plusieurs banques européennes ayant chuté tandis que Wall Street a ouvert en baisse, ce qui illustre la crainte d'une contagion à l'économie mondiale.

La chute de la livre vendredi "montre que les investisseurs sont de plus en plus inquiets de l'imminence d'une crise monétaire totale", souligne dans une note David Cheetham, analyste chez XTB.

"Nous avons notre peuple, nous avons le droit et nous avons Allah!"

En l'absence d'annonce de mesures fortes, le président turc et son ministre des Finances n'ont pu enrayer l'inexorable effondrement de la livre tout au long de la journée. "Si vous avez des dollars, des euros ou de l'or sous votre oreiller, allez dans les banques pour les échanger contre des livres turques. C'est une lutte nationale", a exhorté M. Erdogan dans un discours à Bayburt (nord-est). Pendant son intervention, la livre turque a chuté encore plus fort, signalant l'insatisfaction des marchés.

Face à cette situation, le président turc a pointé vendredi un doigt accusateur en direction d'un mystérieux "lobby des taux d'intérêt" dont il n'a pas défini les contours. "S'ils ont des dollars, nous, nous avons notre peuple, nous avons le droit et nous avons Allah!", avait-il lancé dans un précédent discours, dans la nuit de jeudi à vendredi.


La mainmise du président Erdogan, source de tension pour les marchés

Outre ces tensions, les marchés s'inquiètent des orientations de la politique économique de M. Erdogan, la banque centrale turque rechignant à relever ses taux pour contrer une inflation, qui a pourtant atteint près de 16% en juillet en rythme annuel.

Nombre d'économistes estiment qu'il faudrait une hausse massive des taux de la banque centrale pour réguler l'inflation et soutenir la livre, mais M. Erdogan y est fortement hostile.

Visiblement soucieux d'envoyer des signaux positifs aux marchés, le nouveau ministre des Finances Berat Albayrak, qui est également le gendre du chef de l'Etat turc, a insisté sur l'"importance" selon lui de l'"indépendance de la banque centrale" turque.

Depuis sa nomination à ce poste après la réélection de M. Erdogan en juin, M. Albayrak s'est efforcé sans succès d'apaiser les marchés qui voient d'un mauvais oeil la mainmise croissante sur les affaires économiques du président.

L'agonie de la livre turque cette semaine n'a quasiment pas été traitée par les principales chaînes de télévision et les journaux à grand tirage, pour la plupart contrôlés par le pouvoir.

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