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Élections en Inde: le bilan économique en demi-teinte de Modi

Le Premier ministre indien Narendra Modi, qui brigue un second mandat lors des élections législatives qui débutent jeudi, a accédé au pouvoir en 2014 avec la promesse de muscler la croissance et l'emploi du pays de 1,3 milliard d'habitants.

L'AFP revient sur le bilan économique du dirigeant nationaliste hindou:

- Emploi -

La jeunesse a voté en masse pour Narendra Modi il y a cinq ans, enthousiasmée par sa promesse de créer 10 millions de nouveaux emplois par an. Beaucoup de ces jeunes électeurs se sont retrouvés déçus... et sans travail.

Un journal indien a récemment publié ce qui était présenté comme un rapport statistique officiel mis au placard par les autorités indiennes. Ce document suggérait que le chômage était en 2017-2018 à un plus haut depuis 45 ans, à 6,1%. Le gouvernement indien n'a publié aucune statistique officielle du chômage depuis plusieurs années.

Le manque de créations d'emplois est la principale ligne d'attaque de l'opposition contre le chef de gouvernement, le président du parti du Congrès Rahul Gandhi l'accusant d'avoir causé un "désastre national".

Les experts pointent aussi que le rythme de croissance - 6,6% sur un an sur le trimestre octobre-décembre, d'après les derniers chiffres disponibles - n'est pas suffisant pour générer suffisamment d'emplois pour le million de jeunes Indiens qui débarquent chaque mois sur le marché du travail.

- Corruption -

Narendra Modi a établi une grande partie de sa popularité sur son image de pourfendeur de la corruption. Tout au long de son mandat, il s'est présenté comme le champion des petites gens face aux "riches corrompus".

C'est notamment au nom de la lutte contre la corruption qu'il a pris l'une de ses décisions les plus fracassantes: l'annulation des billets de 500 et 1.000 roupies (6,5/13 euros) en novembre 2016. Cette démonétisation a semé une immense pagaille dans une société accroc à l'argent liquide, ces coupures représentant près de 90% du cash alors en circulation.

Les perturbations engendrées par cette décision ont ravagé le secteur informel de l'économie et plombé la croissance indienne pendant plusieurs trimestres, sans sembler avoir eu une réelle efficacité contre la corruption.

Le Premier ministre a aussi renforcé la législation contre les propriétés immobilières "benami" ("sans nom" en hindi), dispositif par lequel des personnes achètent des biens immobiliers tout en dissimulant qu'elles en sont les véritables propriétaires.

L'Inde était en 2018 au 78e rang de l'indice de perception de la corruption de Transparency International, soit une légère amélioration par rapport au 85e rang qu'elle avait en 2014 lors de l'accession au pouvoir du nationaliste hindou.

- Attractivité -

Narendra Modi avait promis d'attirer davantage d'investissements étrangers dans son pays, en faisant de l'Inde une terre plus favorable aux sociétés internationales. Dans ce domaine, son action a effectué un mouvement de balancier constant entre ouverture et protectionnisme.

Son gouvernement a assoupli les restrictions d'investissement étranger dans de nombreux secteurs, notamment les infrastructures, l'aviation et le commerce au détail de marque unique.

En conséquence, le flux de capitaux étrangers à destination de l'Inde a augmenté. Il a atteint près de 62 milliards de dollars pour l'année financière 2017-2018, et New Delhi espère atteindre les 100 milliards de dollars annuels sous deux ans.

L'une des acquisitions étrangères les plus marquantes de ces dernières années fut la prise de contrôle de 77% du site de commerce en ligne Flipkart par le géant américain de la distribution Walmart, pour 16 milliards de dollars.

Le Premier ministre ambitionnait aussi de faire de l'Inde une grande nation manufacturière en poussant les entrepises à venir produire directement dans le pays, de façon à créer un tissu industriel générateur de millions d'emplois. De l'avis des experts, ce programme "Make in India" n'a pour l'instant pas livré les résultats escomptés.

- Fiscalité -

Le nationaliste hindou a mis en œuvre une mesure fiscale majeure, à laquelle de précédents gouvernements avaient travaillé mais sans la réaliser.

Au 1er juillet 2017 est entrée en vigueur une TVA harmonisée, la taxe sur les biens et services (GST), à travers toute l'Inde. Celle-ci s'est substituée à une myriade de taxes locales et nationales et vise transformer ce pays fédéral en marché unique. Auparavant, par exemple, des biens passant d'un Etat indien à un autre devaient souvent s'acquitter de nouvelles taxes.

Si les économistes appelaient cette TVA harmonisée de leurs vœux, son entrée en vigueur hâtive et sa complexité ont créé à court terme bien des turbulences pour l'économie et contribué au fléchissement de la croissance, qui était alors encore en convalescence de la démonétisation.

De manière générale, l'Inde sous Modi a progressé dans l'indice de facilité de faire des affaires de la Banque mondiale. Entre 2017 et 2018, le géant d'Asie du Sud a bondi de 23 places, s'établissant à la 77e position.

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