Accueil Actu

En Afghanistan, le rugby veut sortir de la mêlée

Ils sont une trentaine d'adolescents enthousiastes à faire un "touch rugby" sur un terrain poussiéreux de Kaboul. Introduit à la faveur de la présence internationale, le rugby, inconnu il y a 10 ans à peine, séduit toujours plus une jeunesse afghane avide de nouveaux sports.

Certains des joueurs sont torse nu, d'autres portent des maillots de foot. Aucun n'est chaussé de crampons mais tous suent abondamment, sous une chaleur accablante. Le niveau de motivation générale est saisissant.

Tout comme le cricket, qui a connu un essor fulgurant, l'équipe nationale ayant participé en juin à la Coupe du monde en Angleterre, le rugby est une pratique récente en Afghanistan, pays qui comme tant d'autres vénère le ballon rond.

Lutfullah Kazemi, 16 ans, explique s'y être mis justement parce que c'est "un sport nouveau". "Dans le rugby, j'aime les plaquages et les passes", affirme ce lycéen, ancien passionné de football, qui rêve déjà de carrière internationale.

Mais, dans un pays en guerre depuis près de quarante années, musculation et sports de combat sont généralement rois. A l'instar du MMA, et surtout du taekwondo, qui a permis à l'Afghanistan de glaner ses premières médailles olympiques.

La pratique du rugby, initiée par des passionnés civils ou militaires, se structure lentement. Stephen Brooking, un Britannique qui conseille la Fédération afghane de rugby (ARF), en est convaincu: "les Afghans possèdent toutes les caractéristiques" pour y briller, notamment "la condition physique et la force".

"Pour l'instant, on se concentre sur le rugby à sept, afin de construire des compétences à un niveau plus facile à comprendre que le rugby à XV. Mais il y a des Afghans très costauds qui seront adaptés pour le XV", explique-t-il après l'entraînement de l'équipe de lycéens, au nord de Kaboul.

Les conditions d'entraînement sont encore très précaires. Un peu partout des plaques de gazon synthétique sont arrachées. A chaque accélération ou prise d'appuis, les chaussures des joueurs dérapent sur le sable.

Plaquer n'est pas envisageable et seul le "rugby toucher" est permis "sinon les garçons risquent de se blesser", regrette Abdul Habib, l'entraîneur de cette équipe nommée "Qahramanan" ("champions" en dari, la principale langue afghane).

Mais le sport se développe. Aujourd'hui, 18 équipes ont été formées dans les écoles et universités de la capitale afghane et six autres dans d'autres provinces du pays, affirme Aref Wardak, le porte-parole de l'ARF.

Trois championnats jeunes et séniors vont démarrer à l'automne et un équipe féminine a été mise sur pieds à Kaboul, avec l'espoir que d'autres suivent, poursuit-il.

- "Où est le but ?"-

L'Afghanistan n'est pas encore membre de l'instance du rugby international, World Rugby. Mais la fédération afghane a reçu le soutien de la confédération asiatique, qui l'aide à former arbitres et entraîneurs.

L'équipe nationale de rugby à 7 a aussi pu participer aux Jeux d'Asie l'été dernier. Elle a manqué de peu de se qualifier pour les quarts de finale avec une équipe dans laquelle avaient pris part des Afghans expatriés.

Mais, pour construire un avenir, la fédération se doit de miser sur sa jeunesse, en démarrant par les écoles.

"Il nous faut d'abord convaincre les professeurs de l'intérêt du rugby, des valeurs de ce sport de gentleman avec un profond respect des règles et de l'adversaire. Et que les enfants trouvent ça amusant", observe Aref Wardak.

Le porte-parole de la fédération se rappelle de ses premiers contacts avec des collégiens. "Ils demandaient +où est le but+", "pourquoi il faut faire des passes en arrière ?" et pensaient "qu'une mêlée était un début de bagarre", sourit Aref Wardak.

"Au début, c'était très difficile", reconnaît également Abdul Habib, quatre ans après avoir fait découvrir le ballon ovale aux "Qahramanan". "Il m'a fallu environ deux mois pour leur expliquer ce qu'était le rugby", se souvient-il.

"Ce qui manque le plus (pour développer le rugby) ce sont des terrains" qui constituent "un bien précieux à Kaboul", ville en fulgurante expansion démographique, souligne Stephen Brooking.

Une parcelle de 10.000 m2 sera bientôt allouée à la seule pratique du rugby, selon l'ARF. Restera ensuite à trouver des fonds pour construire les installations et une pelouse dignes de ce nom.

À lire aussi

Sélectionné pour vous