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En Argentine, le péronisme à nouveau sur le devant de la scène politique

Quarante-cinq ans après la mort de Juan Domingo Peron, l'héritage du mythique président domine à nouveau la scène politique argentine à quelques semaines de la présidentielle d'octobre: trois candidats se revendiquant du péronisme se présentent dans trois camps différents.

Président de l'Argentine à trois reprises (1946-52, 1952-55, 1973-74), Peron a été pour les uns le créateur d'un populisme néfaste pour le pays et pour les autres -plus nombreux-, le père de tous les acquis sociaux, celui qui a su rendre aux travailleurs leur dignité.

L'image d'Evita, qui rencontre Juan Domingo Peron en 1944, participe à la construction du mythe du péronisme, lui apportant une touche de glamour.

Couverte de bijoux et habillée chez Dior, Maria Eva Duarte, jusqu'alors une actrice célèbre des feuilletons radio, ne connaîtra comme première dame que quelques années de vie politique -avant de décéder en 1952-, pendant lesquelles elle jouera un rôle actif pour l'obtention du droit de vote des femmes et mènera une vaste action sociale grâce à sa Fondation.

Le retour actuel du péronisme sur le devant de la scène s'explique en partie par la polarisation du pays autour de deux acteurs clés: le chef de l'Etat, le libéral Mauricio Macri, et l'ex-présidente Cristina Kirchner, une péroniste de centre-gauche.

Macri, englué dans une crise économique, pensait avoir une chance d'être réélu s'il affrontait Kirchner, personnalité aussi adulée que détestée en Argentine, où elle est inculpée dans plusieurs affaires de corruption. Mais Kirchner a créé la surprise en se mettant en retrait, laissant le rôle principal du ticket présidentiel à Alberto Fernandez, un modéré capable d'attirer des pans plus large de l'électorat péroniste.

Ce coup de poker a obligé Macri à revoir sa stratégie électorale et à faire appel au sénateur péroniste Miguel Angel Pichetto comme colistier.

- Droite, gauche et centre -

Le résultat de dimanche, n'était pas celui attendu par le président sortant. Le tandem Fernandez-Kirchner est arrivé loin devant (47%), suivi du binôme Macri-Pichetto (32%) et d'un troisième ticket présidentiel péroniste composé de Roberto Lavagna et Juan Urtubey (8%), lesquels espèrent attirer au centre les déçus du macrisme et du kirchnerisme.

Comment expliquer que tous ces péronistes portent désormais des propositions radicalement différentes?

Il faut pour cela revenir aux origines du mouvement, qui n'a jamais été unitaire, rappelle l'historien Gustavo Nicolas Contreras. Ses trois principes de base -la souveraineté politique, l'indépendance économique et la justice sociale- ont été suffisament fédérateurs pour que des secteurs de la société comme les ouvriers, la bourgeoisie industrielle ou l'armée s'y retrouvent.

"Peron pouvait virer de gauche à droite sans perdre de vue son objectif politique qui était d'atteindre, retenir ou récupérer le pouvoir", explique l'analyste politique Rosendo Fraga.

Le péronisme a également montré sa capacité de résilience: il a survécu à des dictatures, à la mort de son fondateur et à des défaites électorales. Il n'a pas non plus implosé, malgré la cohabitation en son sein de courant opposés, comme ceux d'extrême gauche et extrême droite, qui en sont arrivés à s'affronter avec des armes dans les années 1970.

"Le péronisme est une opportunité politique, c'est le mouvement qui a le (plus de) poids politique, qui peut permettre d'accéder aux responsabilités, de favoriser ses propres intérêts", explique l'historien Contreras.

La résistance du mouvement "réside dans sa capacité à comprendre, digérer et représenter la complexité, l'ambigüité et la contradiction de la société argentine", résume Rosendo Fraga.

C'est ainsi que le gouvernement péroniste de Carlos Menem dans les années 1990 a mené des politiques libérales, dont des privatisations. Le président de l'époque a su interpréter les changements attendus par la société après les échecs des entreprises publiques et l'hyperinflation sous le radical Raul Alfonsin, fait valoir Rosendo Fraga.

Le mouvement a fait exactement le contraire au début du XXIe siècle. "Les gens voulaient davantage d'Etat (...) C'est alors que (Nestor) Kirchner a interprété ce tournant et a viré au centre-gauche, appliquant un modèle interventionniste et prenant un tour populiste", conclut l'analyste politique.

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