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En banlieue de Hong Kong, le méthodique saccage d'une station du métro "communiste"

C'était un spectacle hors du commun pour cette banlieue hongkongaise d'ordinaire paisible: la station de métro de Tseung Kwan O a été méthodiquement mise à sac vendredi soir, trois heures durant, par des manifestants prodémocratie.

L'ex-colonie britannique a été le théâtre vendredi d'une nouvelle soirée d'affrontements qui se sont propagés comme une traînée de poudre à plusieurs quartiers, éprouvant à nouveau les capacités des forces de l'ordre.

L'élément déclencheur, cette fois, aura été la conférence de presse de la cheffe de l'exécutif Carrie Lam qui a invoqué une loi d'urgence presque centenaire pour interdire le port du masque lors des manifestations.

Tseung Kwan O, dans l'est de Hong Kong, a à son tour été gagné vers 20H30 (12H30 GMT) par les violences.

Et pendant trois heures, pas un policier n'a pointé son nez dans ce quartier plutôt favorable à la contestation et prisé des Occidentaux depuis que le Lycée français international (LFI) y a ouvert en 2018 un nouveau campus.

- "Comme une reine" -

Les manifestants ont eu tout le temps de saccager la station locale du MTR, la compagnie gérant le métro hongkongais, accusée de rouler pour Pékin.

"Le MTR soutient le gouvernement en fermant volontairement les stations pour empêcher les manifestants de se déplacer tout en transportant les effectifs de police", assène JC, un étudiant de 19 ans qui refuse de donner sa véritable identité.

"Pour nous, l'interdiction des masques ne change rien", explique le jeune homme qui se cache lui aussi le visage pour éviter les poursuites judiciaires et a le bout des doigts recouverts de sparadrap pour ne pas laisser d'empreintes.

"Le problème, c'est la loi d'urgence qui permet à Carrie Lam de court-circuiter le Parlement et d'être, désormais, comme une reine."

"Chemin de fer communiste", peut-on lire sur un graffiti à une entrée de cette station qui, comme dans beaucoup d'autres "villes nouvelles" de la région semi-autonome, est le centre névralgique de la vie locale.

- "Une urgence" -

A l'intérieur, les tuyaux des robinets d'incendie ont été déroulés. Les vannes ont été ouvertes et l'eau se déverse dans les escalators menant aux quais au niveau inférieur.

Des feux ont été allumés dans les poubelles, déclenchant les extincteurs automatiques, et le sol est lui aussi inondé.

Les hauts-parleurs crachent en boucle leur message automatique: "C'est une urgence, la station ferme en raison d'un grave incident. Sortez immédiatement!"

Pour ajouter au chaos, l'alarme incendie ne semble pas vouloir se calmer, malgré l'intervention de pompiers.

A l'extérieur, armés de barrières métalliques démontées sur les terre-pleins centraux, des manifestants brisent avec méthode chacun des carreaux de la façade vitrée. Une oeuvre de longue haleine puisque la façade court sur 200 mètres.

- "Nous montons en régime" -

"Rien de tout cela n'a été planifié", s'enthousiasme Nathalie, une employée de 32 ans, en se félicitant de la capacité de mobilisation grâce aux réseaux sociaux. "Tout est parti de la conférence de presse."

"Le gouvernement ne nous écoute pas, alors nous montons en régime."

23H15: JC devient nerveux en repérant sur la messagerie Telegram une photo du commissariat du quartier voisin de Po Lam. Le cliché, pris par un manifestant épiant de sa fenêtre les mouvements des forces de l'ordre, montre des policiers grimper dans des véhicules.

23H32: six fourgons arrivent près du carrefour voisin de la station où des centaines de manifestants ont érigé des petites barricades de fortune. Une vingtaine de policiers anti-émeutes apparaissent et dirigent leurs lasers verts en direction des protestataires qui reculent. JC enlève sa veste noire pour un t-shirt d'une couleur moins suspecte et s'en va.

23H37: un homme torse nu, cigarette au bec et bière à la main, s'avance au milieu du carrefour pour défier les policiers sous les vivats des manifestants avant de faire machine arrière.

23H43: Les policiers remontent dans les fourgons et s'en vont. Les manifestants poussent des cris de joie avant, très vite, de se disperser à leur tour.

Déjà, des habitants s'attellent à déblayer les débris.

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