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En Colombie, la paradoxale lutte de la gauche pour sa survie

Pendant des décennies en Colombie, la gauche a payé aux élections le fait que, dans la jungle, une guérilla marxiste combattait pour prendre le pouvoir, mais la fin de la guerre avec les Farc semble n'avoir pas changé grand chose.

Dans un pays historiquement gouverné par la droite, la lutte pour survivre au parlement, renouvelé dimanche, reste rude.

Paradoxe supplémentaire: pour la première fois, un ex-rebelle est en tête des sondages pour le premier tour de la présidentielle le 27 mai. Mais, en cas de victoire, Gustavo Petro, ancien membre du M-19, guérilla dissoute, pourrait ne pas disposer de majorité au Congrès.

La participation de divers mouvements de gauche aux législatives, auxquelles se présente pour la première fois le parti politique issu des Farc, pourrait en outre "atomiser" les voix, avertissent des analystes.

"La gauche est un secteur qui s'est traditionnellement beaucoup divisé entre plusieurs doctrines, pour des raisons stratégiques et à cause de personnalités", explique Yeann Basset, directeur de l'Observatoire des processus électoraux à l'université du Rosario.

Outre le nouveau parti de la Force alternative révolutionnaire commune (Farc), formé par l'ex-guérilla sous le même acronyme, suite à l'accord de paix signé fin 2016, la gauche colombienne se présente à ces élections sous un large éventail allant des extrêmes aux modérés, sans alliance avec les anciens rebelles.

- Large éventail de forces -

Vont s'affronter le Pôle démocratique alternatif (gauche), qui compte huit parlementaires, l'Alliance verte (centre-gauche) qui en a 11, et la Liste de la décence, que dirige Gustavo Petro et présente aussi pour la première fois, avec des candidats sans expérience.

Bien que l'accord de paix garantisse à la Farc au moins 10 sièges, cinq dans chaque chambre du Congrès, qui passe d'un total de 268 à 280 membres avec ce scrutin, les ex-rebelles doivent quand même participer.

"Il y a une plus grande pluralité de forces en place et cela veut dire que le vote d'opinion, pas celui de la machine des partis (...), est aussi soumis à cette pluralité", estime le sénateur Ivan Cepeda, un des atouts du Pôle pour se maintenir à la chambre haute.

Pour être élu au Sénat, les listes doivent obtenir au moins 2% des suffrages exprimés. Pour la Chambre des représentants, un parti doit gagner au moins 50% du quotient électoral, soit les votes valides divisés par le nombre de siège à pourvoir.

Le Pôle et l'Alliance visent à maintenir, voire à légèrement accroître leur représentation. La Liste de la décence espère obtenir quatre sièges dans chaque chambre.

Cela ne va pas être facile, d'autant plus que des figures de poids, tel le sénateur et ex-guérillero Antonio Navarro et la députée Angela Maria Robledo, ne se représentent pas.

- Former un groupe -

A cela s'ajoute la force de l'ex-président de droite Alvaro Uribe, chef du Centre démocratique quasiment assuré d'être réélu au Sénat, et de partis puissamment organisés comme le Changement radical (centre-droit) et le parti Conservateur.

Nous devons "consolider un groupe", souligne Maria José Pizarro, fille de l'ex-commandant du M-19 assassiné, Carlos Pizarro, candidate à la députation pour la Liste de la décence.

M. Cepeda est sur la même ligne: "Je crois que l'on pourrait aspirer à un groupe fort de centre-gauche au Parlement".

L'obstacle est le même que pour la présidentielle: officiellement le Pôle et l'Alliance soutiennent Sergio Fajardo, ancien maire de Medellin, deuxième ville du pays, et ont refusé d'appuyer l'ex-guérillero Petro.

Le sénateur Ivan Duque, du Centre démocratique, et M. Petro, ancien maire de Bogota sont en tête des sondages, Fajardo troisième pour le 27 mai.

La gauche ne perd toutefois pas espoir, motivée par le fait notamment de garantir la mise en oeuvre de l'accord de paix et défendre les droits des minorités.

"Au delà de la gauche et de la droite, il y a la possibilité que la démocratie se matérialise, que nous ayons réellement une démocratie représentative", ajoute Mme Pizarro.

Pour M. Basset, la gauche a un atout: le rejet croissant des élites traditionnelles et de la corruption.

Mais un recul dimanche ferait qu'elle ne serait plus représentée que par la Farc, que rejettent une majorité de Colombiens pour les crimes commis pendant 52 ans de confrontation armée.

"Pour la gauche, ce serait une catastrophe historique", ajoute l'analyste.

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