Accueil Actu

En Colombie, paix, drogue et corruption au coeur de la présidentielle

La Colombie, qui se prépare à une élection présidentielle cruciale, reste confrontée aux fléaux du narco-trafic, de la corruption, des inégalités, et doit consolider une paix encore fragile malgré l'accord historique signé avec la puissante guérilla des Farc.

La violence des groupes armés, pour le contrôle des anciens fiefs de l'ex-rébellion marxiste, notamment aux frontières du pays, a aussi marqué la campagne pour le premier tour, prévu le 27 mai.

"Le conflit terminé, nous avons devant nous l'énorme défi de construire la paix", a réitéré le président Juan Manuel Santos, qui ne peut se représenter après deux mandats consécutifs depuis 2010.

Nobel de la Paix 2016, il a été l'artisan du pacte signé cette année-là avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), issues en 1964 d'une insurrection paysanne contre l'inégale répartition des terres. Aujourd'hui désarmée, la guérilla s'est convertie en parti politique.

La mise en oeuvre de l'accord, loin d'être achevée, sera l'une des principales tâches du futur gouvernement.

"Le prochain président devra décider de l'appliquer tel quel ou de le modifier", a déclaré à l'AFP l'analyste Cristian Rojas, directeur du programme de Sciences politiques de l'université La Sabana.

Parmi les six candidats en lice, l'avocat Ivan Duque, 41 ans, déterminé à réformer l'accord, fait figure de favori sous les couleurs du Centre démocratique (CD, droite) de l'influent sénateur et ex-président Alvaro Uribe (2002-2010).

- La gauche au second tour? -

La Colombie est déchirée par une guerre fratricide qui, au fil des décennies, a opposé une trentaine de guérillas, des paramilitaires d'extrême droite et les forces armées, faisant au moins huit millions de victimes entre morts, disparus et déplacés.

Si Ivan Duque est élu, "ce sera peut-être problématique pour les grandes réformes structurelles prévues dans l'accord" comme les réformes électorale et agraire visant à combattre les inégalités, a dit à l'AFP Yann Basset, directeur de l'Observatoire de représentation politique de l'université du Rosario.

Riche en pétrole, minerais et pierres précieuses, la Colombie est, après Haïti et le Honduras, le pays le plus inégalitaire du continent. La pauvreté touche 17% des quelque 49 millions d'habitants, avec des pointes à 36,6% dans les régions reculées, selon des statistiques officielles.

Dans les sondages, le champion du CD devance de dix points son adversaire de gauche Gustavo Petro, 58 ans, candidat de Colombie Humaine, ancien maire de Bogota et ex-guérillero du M-19 dissout.

Mais aucun ne semble en mesure de dépasser les 50%. Ils devraient donc s'affronter au second tour, le 17 juin. La présence de la gauche serait une première.

Derrière eux viennent Sergio Fajardo (12%, centre), l'ancien vice-président German Vargas Lleras (7,5%, centre-droit) et l'ex-négociateur de la paix, Humberto de la Calle (2,5%, centre-gauche).

Mais la tendance peut changer. "Il y a une grande volatilité des préférences", avertit M. Basset qui explique la montée de la gauche, déjà visible aux législatives, par le fait que "la guérilla ne fait plus autant peur". Elle n'a pas atteint 0,5% au scrutin du 11 mars. Son chef, Rodrigo Londoño "Timochenko", a renoncé à la présidentielle après un infarctus.

- Les millions d'Odebrecht -

Il y a "aussi un climat de mécontentement envers la classe politique avec de nombreuses affaires de corruption ces deux dernières années, dont le célèbre scandale Odebrecht", a-t-il ajouté.

Le groupe de BPT brésilien a reconnu avoir versé 11,1 millions de dollars de pots de vin en Colombie. Le Parquet évoque plus de 27,7 millions.

La violence et l'insécurité, dans les villes et les anciens fiefs des Farc, sont un autre défi. Dissidents de l'ex-rébellion, gangs et guérilleros de l'Armée de libération nationale (ELN) se disputent, entre autres, le contrôle de la cocaïne, dont la Colombie est le premier producteur mondial.

"Aujourd'hui, le trafic de drogue reste la principale menace pour la paix", a averti le 24 avril à l'ONU M. Santos, qui espérait atteindre une "paix complète" en signant avec l'ELN.

Mais l'enlèvement et l'assassinat d'une équipe du journal équatorien El Comercio fin mars a généré des tensions avec Quito, qui ne veut plus accueillir les pourparlers compliqués menés depuis février 2017 avec la dernière rébellion colombienne.

Pour l'analyste Juan Cardenas, "il y a un enjeu très important (...) le contrôle du territoire". "Le succès de tout ce qui a été pacté repose sur le fait que l'Etat récupère le monopole de la force et assure une présence institutionnelle", a déclaré à l'AFP ce professeur en Communication politique de La Sabana.

À lire aussi

Sélectionné pour vous