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En Corée du Nord, des réformes économiques en vue

La promesse du leader nord-coréen, Kim Jong Un, d'oeuvrer à "la construction économique socialiste" pourrait annoncer des réformes inspirées du modèle chinois, avancent des experts. Mais Pyongyang ne le dira jamais explicitement.

Pyongyang a annoncé samedi la fin des essais nucléaires et des tests de missiles intercontinentaux ainsi que la fermeture de son site d'essais atomiques, un geste salué par le président américain, Donald Trump, qui doit prochainement rencontrer M. Kim pour un sommet inédit.

Dans son discours, le leader nord-coréen a aussi annoncé que la "nouvelle ligne stratégique" du Parti des travailleurs de Corée serait "la construction économique socialiste".

L'expression est revenue 56 fois dans le compte-rendu de l'agence officielle KCNA.

Il fut un temps où, au sortir de la Guerre de Corée (1950-1953), le Nord était plus riche que le Sud, bénéficiant à plein de la stratégie du colon japonais de concentrer au nord le développement industriel coréen.

Mais cette situation s'est totalement inversée en raison du spectaculaire essor du Sud et de l'effondrement d'une économie étatique nord-coréenne plombée par des décennies de mauvaise gestion, puis par la chute de l'Union soviétique.

En 2016, le salaire moyen était 20 fois supérieur au Sud, selon les statistiques sud-coréennes. Le Nord ne publie aucun chiffre de PIB.

- "Vent immonde" -

Les choses semblent s'être améliorées depuis l'arrivée fin 2011 de Kim Jong Un au pouvoir, le Nord tolérant de plus en plus les initiatives privées et la prolifération de petits entrepreneurs faisant commerce de produits alimentaires ou de biens arrivant de Chine.

En 2016, l'économie nord-coréenne a connu sa plus forte expansion, selon la banque centrale sud-coréenne. Mais cette tendance pourrait pâtir de l'intensification des sanctions internationales.

Pour Andrei Lankov, du think tank Korea Risk Group, M. Kim a l'intention de mettre en oeuvre "un programme économique à la chinoise". Ce seront "des réformes économiques qui n'en ont pas le nom".

Le leader nord-coréen n'a qu'à tourner les yeux vers la Chine et le Vietnam s'il souhaite des exemples de partis communistes qui ont embrassé le capitalisme sans hypothéquer le parti unique. Et même en le consolidant puisque la plus grande prospérité a conforté le pouvoir.

Officiellement, M. Kim n'en prend pas le chemin. N'avait-il pas dénoncé lors du Congrès du parti de 2016 - le premier en 36 ans - "le vent immonde de la liberté bourgeoise, de la +réforme+ et de +l'ouverture+ qui souffle chez notre voisin"?

Dans les faits, le changement est réel.

Des gérants d'usines nord-coréennes indiquaient récemment à l'AFP qu'une fois qu'ils avaient rempli les quotas fixés par l'Etat, ils étaient libres d'acheter et de vendre à des prix négociés avec les fournisseurs et les clients.

Les entreprises étatiques peuvent également investir d'autres secteurs d'activité aux travers de filiale. La compagnie nationale Air Koryo s'est ainsi lancée dans les boissons sans alcool et les taxis.

- Héritage familial -

Cela a permis à des entrepreneurs de se lancer sous la "protection" des sociétés publiques.

L'agriculture n'est pas en reste puisque des paysans travaillant pour les coopératives publiques peuvent cultiver leur lopin et vendre leurs produits sur un marché en théorie illégal, mais qui existe dans toutes les villes nord-coréennes.

Pour autant, le Nord est loin de produire en quantités suffisantes. Même dans les années sans sécheresse, plus de 40% de sa population souffre de sous-alimentation, selon l'ONU.

Pour M. Lankov, le Nord va accroître ses investissements dans les infrastructures, autoriser une plus grande autonomie pour les entreprises publiques ou encore permettre aux entrepreneurs de conserver leurs bénéfices.

Kim Jong Un "espère atteindre une croissance économique durable, améliorer le niveau de vie", dit-il.

Lors de sa visite en Chine le mois dernier - son premier voyage officiel à l'étranger - M. Kim s'est notamment rendu à une exposition présentant les récentes innovations de l'Académie chinoise des sciences à Zhongguancun, la "Silicon Valley chinoise".

"Nous pouvons saisir la puissance de la Chine", a-t-il écrit, selon KCNA, dans le livre d'or, affirmant au Parti des travailleurs que le Nord devait investir dans la science et l'éducation pour bâtir "une puissance scientifique et technique".

Difficile cependant de proclamer un virage à 180 degrés.

"Contrairement à son père ou son grand-père, M. Kim n'a aucun attachement sentimental ou idéologique au modèle socialiste", reconnaît M. Lankov.

Mais si Khrouchtchev dénonça Staline et si Deng Xiaoping dénonça Mao, M. Kim peut difficilement s'affranchir de l'héritage familial, estime-t-il:

"on ne peut toucher à l'idéologie parce qu'on ne peut pas dire que son père ou son grand-père se sont trompés".

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