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En Guyane, six détenus dans 11 m2: le cri d'alarme de la contrôleure des prisons

Insalubrité, climat de "violence extrême" et jusqu'à six détenus entassés dans 11 m2: la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) s'alarme jeudi des conditions "inhumaines" de détention à la prison de Rémire-Montjoly, l'unique de Guyane.

Le constat dressé suite à une visite du centre pénitentiaire du 1er au 12 octobre fait apparaître "un nombre important de dysfonctionnements graves", en violation des droits fondamentaux des personnes incarcérées, écrit Adeline Hazan dans des "recommandations en urgence".

Adressées à la garde des Sceaux Nicole Belloubet et à la ministre de la Santé Agnès Buzyn, elles ont été publiées jeudi au Journal officiel.

Cette "procédure exceptionnelle" est rare: "la dixième" seulement depuis l'institution de cette autorité indépendante en octobre 2007, a indiqué Mme Hazan lors d'une conférence de presse.

Dix ans après une première visite au centre pénitentiaire de Guyane, "la situation s'est encore dégradée", a déploré la contrôleure générale. Elle demande la "rénovation en urgence" de l'établissement ouvert en avril 1998, "sans attendre" la construction d'une maison d'arrêt de 500 places à Saint-Laurent du Maroni.

Les premières études devant être lancées en 2019, la nouvelle prison ne sera pas ouverte avant "plusieurs années", a relevé Adeline Hazan.

Au centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly, la population carcérale a diminué en deux ans, passant de 907 détenus en décembre 2016 à 736 lors du contrôle, mais elle reste à des niveaux préoccupants, avec un taux moyen d'occupation de 125%. Ce surpeuplement commence "dès les quartiers des arrivants, dont les cellules ont été doublées", avec parfois des matelas installés au sol, notent les contrôleurs.

Dans la maison d'arrêt des hommes, où le taux d'occupation est de 157%, deux à trois détenus cohabitent dans des cellules individuelles de 10 m2, soit "6,5 m2 d'espace de vie". Six personnes vivent dans les cellules doubles de 22 m2, réduites à 11 m2 une fois "déduite l'emprise des lits, des toilettes et de la table", pointe Mme Hazan.

Au 20 décembre, "17 cellules sont occupées par six ou sept personnes détenues", lui a répondu mercredi dans un courrier la garde des Sceaux, qui promet de mettre "tout en œuvre" pour les réaffecter dans d'autres quartiers du centre pénitentiaire.

Autre "traitement inhumain" selon la CGLPL: au quartier des femmes, deux mères sont détenues avec leur nourrisson, en cellule ordinaire, faute de places suffisantes à la nurserie.

- Des douches "à la vue de tous" -

A ces conditions d'hébergement "indignes" s'ajoutent de nombreuses "atteintes aux droits fondamentaux" en matière de santé et d'hygiène et avec une "absence totale" d'accès au travail et aux activités pour les détenus, a détaillé en conférence de presse Adeline Hazan. "On n'a pas pu constater beaucoup de choses positives", a-t-elle résumé.

Les cellules sont dans "un état d'insalubrité total" et l'état "épouvantable" des douches est tel que les détenus "préfèrent se laver avec une bassine d'eau froide" quand ils ne sont pas contraints de se doucher à l'extérieur dans les cours de promenade, "à la vue de tous", souligne la contrôleure.

Malgré le climat tropical, les détenus ne peuvent avoir de réfrigérateur et les aliments en décomposition attirent "rats, cafards et autres insectes". La CGLPL demande la mise en oeuvre "immédiate" de mesures de dératisation et d'éloignement de dizaines de milliers d'hirondelles, peuplant la prison depuis 2000 selon le ministère et transmettant une fièvre pouvant "être fatale en l'absence de traitement adéquat".

Dans ce contexte, l'établissement souffre d'un "climat de violence extrême", qui s'est caractérisé par 156 faits de violences graves entre détenus en 2018, selon la garde des Sceaux. Toutes les bagarres ne sont pas recensées par le personnel "débordé" et des détenus ont dit aux contrôleurs "craindre pour leur vie", note la CGLPL.

Elle demande que cessent les nombreuses fouilles intégrales "aléatoires", les placements en quartier disciplinaire "arbitraires" et les sédations forcées "parfaitement illégales" et qui contribuent aux tensions.

Ces dysfonctionnements s'inscrivent dans une situation de "manque de personnel" et d'un "management qui laisse à désirer", soulignent Mme Hazan.

Selon la garde des Sceaux, treize surveillants doivent arriver en mai pour combler les vacances de postes.

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