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Les Irakiens défient le couvre-feu à Bagdad, les étudiants ont rejoint la contestation

Les Irakiens défiaient lundi soir le couvre-feu nocturne décrété à Bagdad, après que les étudiants et les écoliers ont envahi les rues de la capitale et de nombreuses autres villes du Sud pour réclamer "la chute du régime".

Alors que cette annonce faisait redouter une dispersion dans la nuit de la place Tahrir, des centaines de protestataires s'y trouvaient encore au terme d'une journée durant laquelle cinq manifestants y ont été tués, selon une source officielle.

Au total, depuis le début le 1er octobre d'un mouvement de contestation inédit, 239 personnes ont été tuées et plus de 8.000 blessées, selon un bilan officiel.

L'armée, qui a menacé de "sévères sanctions" fonctionnaires et étudiants qui ne se présenteraient pas en cours ou au travail, a décrété un couvre-feu -de minuit à six heures du matin pour les personnes et les véhicules- dans la deuxième capitale la plus peuplée du monde arabe.

- Klaxons et musique -

Mais dans la nuit, des embouteillages monstres défiaient dans un concert de klaxons et de haut-parleurs diffusant de la musique le couvre-feu décrété alors que la contestation a gagné lundi en ampleur quand étudiants et écoliers ont rejoint le mouvement qui réclame des emplois pour les jeunes --60% de la population-- et des services fonctionnels à un Etat ravagé par la corruption.

Dans plusieurs provinces du Sud, fonctionnaires, syndicats, étudiants et écoliers ont défilé et entamé des sit-in, alors que le syndicat des enseignants annonçait "quatre jours de grève générale" et celui des avocats, une semaine.

Malgré les policiers anti-émeutes stationnés aux abords des universités et l'appel du ministre de l'Enseignement supérieur Qoussaï al-Souheil à "tenir les universités à l'écart", étudiants et élèves ont grossi les rangs des manifestants sur Tahrir, désormais couverte de tentes et de stands de distribution de nourriture et de protections contre les grenades lacrymogènes des forces de sécurité.

"Sans pays, pas d'école", lance un étudiant. "On veut que le gouvernement démissionne immédiatement, ils démissionnent ou on les dégage", affirme-t-il à l'AFP.

A Diwaniya (sud), professeurs et étudiants ont décrété un "sit-in de dix jours", selon un correspondant de l'AFP. La plupart des syndicats ont rejoint le mouvement et des piquets de grève bloquent les entrées des administrations.

La foule scande "pas d'école, pas de travail, jusqu'à la chute du régime", mais aussi "Iran, dehors", alors que le grand voisin chiite lutte avec les Etats-Unis --son ennemi juré et autre puissance agissante dans le pays-- pour y étendre son influence.

- Jeunes chômeurs -

Des milliers d'étudiants et d'élèves ont aussi défilé à Kout, Nassiriya, Hilla, Samawa et Bassora (sud).

A Kout, la majorité des administrations sont restées fermées faute d'employés, selon un correspondant de l'AFP.

La province multiethnique de Diyala, frontalière de l'Iran, jusqu'ici restée à l'écart, a rejoint le mouvement lundi avec des piquets de grève devant administrations et universités.

Dans la ville sainte chiite de Najaf, quelques dizaines d'étudiants en religion ont manifesté. A Kerbala, l'autre grande ville sainte du pays, la dispersion a dégénéré dans la nuit en heurts violents.

Pour les protestataires, le système instauré après la chute du dictateur Saddam Hussein en 2003 est arrivé à bout de souffle.

En 16 ans, disent-ils, le complexe système de répartition des postes en fonction des confessions et des ethnies n'a fait que renforcer le clientélisme d'une classe politique inchangée, sans laisser d'horizon ouvert aux jeunes --dont un sur quatre est au chômage.

Les manifestants veulent une nouvelle Constitution, pour remplacer celle votée en 2005 sous supervision américaine, et que les "gros poissons" de la corruption soient forcés de rendre l'argent disparu depuis, qui représente deux fois le PIB de l'Irak, riche en pétrole.

"On veut la dissolution du Parlement, un gouvernement de transition, une nouvelle Constitution et des élections anticipées sous supervision de l'ONU", énumère l'un d'eux.

- Sit-in et vote au Parlement -

Lundi, le Parlement a voté la suppression des primes de l'ensemble des responsables du pays, mais il reste fracturé.

Quatre députés ont démissionné et la cinquantaine de députés du turbulent leader chiite Moqtada Sadr y ont entamé samedi un sit-in en solidarité avec les manifestants, annonçant rejoindre l'opposition.

La majorité parlementaire du Premier ministre Adel Abdel Mahdi, un indépendant sans base partisane ou populaire qui s'appuyait sur Moqtada Sadr et la liste des puissants paramilitaires pro-Iran du Hachd al-Chaabi, est désormais éclatée.

Moqtada Sadr a appelé le Hachd à ne pas "réprimer le peuple" pour "faire gagner les corrompus" après qu'un de ses commandants s'est dit "prêt" à intervenir pour empêcher "la destruction du pays".

Depuis vendredi, des dizaines de sièges de partis et de factions du Hachd ont été incendiés. Des protestataires ont été tués par balles par des gardes protégeant ces bâtiments ou asphyxiés par la fumée.

L'ONU a accusé "des entités armées" de chercher "à saboter les manifestations pacifiques".

En soirée, deux obus de mortier se sont abattus sur une base militaire au nord de Bagdad où sont postées des soldats américains. Cette attaque n'a pas été revendiquée.

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