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En Iran, le président Rohani cerné par les critiques

Confronté au mécontentement populaire, aux attaques de ses adversaires politiques et de milieux religieux, le président Hassan Rohani apparaît cerné par les critiques, à la veille d'une convocation inédite au Parlement pour s'expliquer sur le marasme économique.

Le retrait des Etats-Unis de l'accord nucléaire signé en 2015 et le récent rétablissement de sanctions a renforcé ces difficultés économiques et fragilisé le président modéré, réélu l'année dernière après un premier mandat de quatre ans.

Dans ce contexte, sa convocation devant les députés constitue une première qui intervient en outre dans le sillage du limogeage, après un vote de défiance du Parlement, des ministres du Travail -le 8 août- et de l'Economie, ce dimanche.

Le Parlement a légalement le pouvoir de destituer M. Rohani. Mais le président continue toutefois -jusqu'à nouvel ordre- de bénéficier du soutien du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, qui, même s'il a lui aussi critiqué sa politique, a déclaré qu'il devait aller jusqu'à la fin de son mandat, en 2021.

- Les conservateurs -

Malgré sa situation délicate, M. Rohani peut également compter sur le soutien de certains conservateurs modérés, dont le chef du Parlement, Ali Larijani.

Mais les partisans d'une ligne dure, opposés de longue date à sa volonté de rapprochement avec les pays occidentaux, se sentent confortés par le détricotage de l'accord nucléaire --dont Hassan Rohani a été le promoteur--, et ont accentué les attaques contre le gouvernement.

Ils cherchaient lundi à rassembler les voix nécessaires pour permettre la destitution de deux nouveaux ministres (Industrie et Transport).

"Avoir un président chancelant est une bonne chose pour eux car cela met toutes les chances de leur côté pour" la prochaine élection en 2021, analyse le journaliste politique, Fereshteh Sadeghi.

- Les réformateurs -

De son côté, le camp réformateur a vu en Hassan Rohani le meilleur candidat, après les manifestations de masse de 2009 contre la réélection de l'ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad. Il a ainsi fortement contribué à ses victoires, en 2013 puis en 2017.

Mais, à leurs yeux, le président n'a pas tenu ses engagements en matière de renforcement des libertés civiles, notamment au vu de sa promesse de libérer des prisonniers politiques.

Les réformateurs craignent désormais de pâtir du soutien qu'ils lui ont apporté et n'ont pas hésité à s'en désolidariser, allant jusqu'à critiquer explicitement le gouvernement ces derniers temps.

"Qu'avons-nous fait à cette nation? Nous l'avons rendue misérable", a asséné Elias Hazrati, député réformateur ayant voté pour le limogeage du ministre de l'Economie dimanche.

"Personne ne pense que M. Rohani réformera quoi que ce soit dorénavant. Il n'était qu'un instrument du système, donnant l'impression de répondre aux revendications du peuple sans vraiment changer les choses", affirme Clément Therme, chercheur à l'Institut international des études stratégiques à Londres.

- L'opinion -

Grâce à un soutien populaire, M. Rohani a remporté deux larges victoires lors des présidentielles.

Même si le Conseil des gardiens de la Constitution, chargé de superviser les élections, avait bloqué la plupart des candidatures, l'enthousiasme pour le projet de Rohani d'attirer de nouveau les investissements étrangers et de rétablir sa stature internationale était bien réel.

Mais depuis que l'avenir de l'accord nucléaire est incertain, la désillusion est palpable dans les rues du pays.

De nombreux Iraniens aisés tentent de partir tandis que les zones les plus pauvres ont été le théâtre de manifestations sporadiques et de grèves ayant pu dégénérer en rassemblements violents.

Le prix des produits de première nécessité a rapidement augmenté et cela pourrait empirer avec le rétablissement en novembre de sanctions américaines contre le secteur énergétique, vital à l'économie iranienne.

"Regardez mon petit-déjeuner. Je ne peux même plus me permettre d'acheter des fruits", a résumé à l'AFP un livreur iranien, une canette de limonade et un bout de pain à la main.

"Ce gouvernement nous fait peur mais il y aura encore des manifestations", estime-t-il.

- Et après ? -

Les problèmes de Hassan Rohani sont révélateurs d'une contradiction propre à la République islamique, selon le chercheur Clément Therme: les élections sont essentielles à sa légitimité mais le peuple iranien vote en faveur de réformes qui ne pourront être menées.

"Le guide suprême souhaite que M. Rohani aille jusqu'à la fin de son mandat car il veut de la stabilité", explique-t-il. "Mais il pense que si M. Rohani met en œuvre ses politiques, cela signifiera la mort du système", surtout en ouvrant le pays à "l'invasion" culturelle occidentale, poursuit l'expert.

S'il a pu être question de l'accession de M. Rohani au poste de guide suprême, il semble désormais plus probable qu'il suive la destinée de ses prédécesseurs, Mohammad Khatami et Mahmoud Ahmadinejad, réduits au silence par le pouvoir.

Désormais, "il ne peut rien faire. Il est pieds et poings liés", selon le journaliste Fereshteh Sadeghi.

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