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En Iran, les funérailles de Soleimani tournent à la tragédie

"Nous donnerons notre vie pour Soleimani", clame Arsalan Farzamimoqadam, un Iranien de 28 ans hospitalisé après avoir survécu à une bousculade meurtrière à Kerman, lors des funérailles du général iranien Qassem Soleimani, tué le 3 janvier à Bagdad par un tir de drone américain.

Aux cris de "Mort à l'Amérique", une foule immense a envahi en matinée Kerman, dans le sud-est de l'Iran, pour un dernier adieu au général dans sa ville natale.

Mais la procession funéraire a tourné à la tragédie après une bousculade ayant fait plus de 50 morts, et qui a retardé la mise en terre du cercueil de Soleimani.

"Les gens se sont tellement pressés que j'ai dû m'enfuir, mais une bicyclette a roulé sur mon pied et l'a cassé", raconte à l'AFP Arsalan Farzamimoqadam, à l'hôpital de Kerman.

"Les Etats-Unis ne peuvent rien faire, et nous obtiendrons notre revanche", a-t-il assuré, tout en gémissant de douleur.

Figure très populaire en Iran, Soleimani a été assassiné sur ordre du président américain Donald Trump, entraînant une nouvelle escalade des tensions entre Téhéran et Washington, et faisant craindre une guerre au Moyen-Orient.

Devant l'hôpital Bahonar, à Kerman, un homme affiche sur les murs des listes contenant les noms des tués et blessés, tandis que des familles cherchent à s'informer de l'état de santé de leurs proches.

Non loin, une femme se lamente après avoir perdu un proche, entourée de sa famille qui tente de la consoler. Et une infirmière pleure de joie lorsqu'elle retrouve son fils adolescent, dont elle avait perdu la trace pendant les funérailles.

- "Tant de gens" -

Le centre de Kerman a été envahi par une marée humaine, semblable à celle qui a déferlé dimanche et lundi à Téhéran, Ahvaz (sud-ouest), Qom (centre) et Machhad (nord-est), où les cercueils de Soleimani et de ses compagnons d'armes tués avec lui ont reçu un immense hommage populaire.

"Pas de compromis, pas de soumission, revanche!", ont scandé des habitants de Kerman, vêtus de noir.

Au passage du cortège, la foule se déplaçait lentement, lançait des écharpes sur le camion transportant la dépouille du général pour recevoir la bénédiction du "martyr".

Mais soudain, alors que passait la procession, des personnes ont été poussées par la foule dans une allée, a raconté à l'AFP Ali Salaji, qui a survécu à la bousculade.

La foule a alors écrasé des dizaines d'hommes, femmes et enfants. "Il y avait tellement de monde dans l'allée, ils ont été jetés les uns sur les autres, avant de mourir", relate-t-il.

Ali dit avoir tenté de protéger avec son corps une femme et sa fillette de la bousculade, mais celles-ci sont mortes avant l'arrivée des services d'urgence.

Ces derniers "ne pouvaient pas faire plus. Quand ils m'ont finalement soulevé, je me suis évanoui", poursuit-il.

Pour échapper à la foule, certains ont dû grimper sur les toits.

- "Vengeance, vengeance" -

Pour Hemmat Dehghan, vétéran de guerre de 56 ans, Soleimani était "un grand homme."

"Nous ne pouvons pas tous être comme lui (...) Il est quasiment irremplaçable", dit-il, clamant: "Nous sommes tous Soleimani."

"Vengeance, la vengeance seulement", a-t-il martelé. "La revanche telle que nos responsables la concevront. Nous sommes tombés de notre cheval mais nous avons toujours nos principes."

"Vengeance, vengeance": ce slogan a été repris en choeur dans la ville, au son des tambours suivant le rythme réservé habituellement aux célébrations du martyr de l'imam Hussein, l'une des figures saintes les plus vénérées du chiisme.

Et, déployée sur la façade d'un centre commercial, une immense affiche appelait également à la vengeance.

"La guerre n'est certainement pas le dernier ressort. Personne ne veut la guerre", estime toutefois Dorani, venue assister à la procession.

"C'est une ruse des Etats-Unis pour provoquer la colère des Iraniens et nous entraîner dans une guerre, mais ça ne marchera pas", dit-elle, ajoutant cependant qu'elle obéira à tout ordre du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei.

"Aujourd'hui, ce sont les funérailles du plus grand général de l'Iran et de l'Islam, et nous habitants de Kerman sommes extrêmement fiers", assure-t-elle.

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