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En Pologne, "une révolution qu'on ne peut plus arrêter", selon une féministe

Les manifestations contre le durcissement de la loi sur l'avortement qui secouent la Pologne depuis plus d'un mois sont devenues "une véritable révolution", estime Klementyna Suchanow, de la Grève des femmes, collectif qui coordonne les protestations, dans un entretien à l'AFP.

Q: D'où vient toute cette colère qui se déverse dans les rues de villes et villages polonais?

R: "Les gens se sont rendu compte que tout est utilisé par le pouvoir à des fins politique. C'était justement le cas de la décision du tribunal (concernant le durcissement de la loi sur l'avortement, ndlr.). et qui a provoqué l'éruption de cette colère. La pandémie a renforcé cela. Les gens voient que ceux qui gouvernement ne pensent pas à leur vie, à leur santé, à leur sécurité, mais qu'ils exploitent chaque moment à des fins d'un jeu politique".

Q: Quelles sont les principales revendications du mouvement?

R: "Depuis les premières protestations, on s'est aperçu que l'avortement n'était pas la seule question qui faisait bouger les gens comme c'était le cas il y a quatre ans. Nous disons aujourd'hui que ce n'est plus la Grève des femmes, mais la Grève de tous. Les gens protestent contre tout ce qui se passe en Pologne.

Les questions de droits des femmes sont en première ligne, mais aussi celles liées au marché du travail, à la pandémie, à la fascisation de la vie publique et politique. L'état laïque est également très important et les gens veulent vraiment séparer l'Etat et l'Eglise.

Ils en ont assez de ce que l'Eglise se mêle à chaque domaine de leur vie. Ils sont en colère lorsqu'ils voient comment l'Etat finance cette institution, que l'Etat n'est pas capable de lui demander des comptes en ce qui concerne la pédophilie des prêtres. L'Eglis existe en quelque sorte en dehors du système juridique normal.

Mais les gens veulent aussi les changements dans le domaine de l'éducation, de la santé, de la culture".

Q: Qui manifeste principalement aujourd'hui ?

R: "C'est une révolution des femmes et des jeunes qui se battent pour un état digne du XXIe siècle dans lequel ils pourraient vivre normalement.

La Grève des femmes était déjà un mouvement de masse, mais il y a encore plus de femmes qui se solidarisent avec nous. Aujourd'hui, nous avons aussi tout un grand groupe de jeunes. Les militantes de la Grève des femmes sont d'un âge moyen, et on peut dire que ce sont nos enfants qui se joignent à nous.

Ils luttent afin que la Pologne cesse d'être un pays arriéré, dont ils ont honte, pour que personne ne leur dise comme vivre. Ils découvrent aujourd'hui le sens du mot liberté. C'est très beau".

Q: Vous n'avez pas peur que le mouvement s'essouffle?

R: "Nous ne parlons pas d'une révolution politique. C'est une révolution qui se déroule au niveau de la vision du monde et que l'on ne peut plus arrêter. Cette révolution est déjà gagnée, car elle change la Pologne, et car elle portera ses fruits à travers cet engagement de jeunes dans les années à venir. Je pense que c'est un virage historique pour la Pologne.

La mobilisation est toujours là, de façon dispersée dans tout le pays. Tous les jours, il y a quelque chose qui se passe quelque part. Cela montre que le niveau de colère est énorme.

Ce qui constitue la plus grande force de ce mouvement de protestation, ce n'est pas ce qu'on voit sur les photos prises dans les grandes villes comme Varsovie, Cracovie ou Poznan, mais ce qui se passe dans les bastions de PiS, par exemple dans les montagnes dans le sud de la Pologne.

Un groupe de femmes y fait une véritable révolution. C'est très douloureux pour PiS. Le fait que nous sommes partout fait la véritable force de cette révolution".

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