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En Serbie, une blogueuse a encouragé les mères à allaiter

La première expérience dans une maternité en Serbie avait été traumatisante pour Branka Stamenkovic: quelques minutes après la naissance de son bébé, les infirmières l'avaient emmailloté et séparé d'elle pendant trois jours.

Tout juste avant de quitter l'établissement, la jeune maman avait eu droit à une brève leçon sur l'allaitement. C'était en 2008. Bouleversée et accablée, Branka Stamenkovic a raconté son cauchemar dans un blog qui a déclenché une vague d'histoires similaires de toute la Serbie.

"J'écrivais le blog et je pleurais", raconte Branka, qui fait aujourd'hui de la politique, en se rappelant des "histoires d'horreur" que d'autres femmes lui envoyaient. Elles racontaient comment les infirmières leur criaient dessus, les humiliaient ou les ignoraient tout simplement, sans leur donner le moindre conseil sur l'allaitement.

Elle avait mis en ligne plus de 700 articles. Son engagement était à l'origine d'une campagne que l'Unicef (le Fonds des Nations unies pour l'enfance) a ensuite lancée en Serbie, en faisant de ce pays balkanique un exemple à suivre sur la manière d'augmenter le taux de l'allaitement maternel précoce, à savoir dès l'heure qui suit la naissance.

Entre 2010 et 2014, le taux d'allaitement précoce est passé de 8% à 51% en Serbie, un saut inédit parmi les pays à revenu intermédiaire ou à faible revenu.

- Dans l'heure qui suit la naissance -

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Unicef -- qui ont marqué du 1er au 7 août la Semaine mondiale de l'allaitement maternel -- encouragent l'allaitement exclusif pendant les six premiers mois de la vie du nourrisson, à commencer par la première heure après la naissance.

Car c'est justement immédiatement après la naissance que le lait maternel est riche en nutriments et anticorps, qui protègent le nourrisson des infections et augmentent ses chances de survie.

Mais les défenseurs de l'allaitement font face au gigantesque marché des aliments pour nourrissons, estimé à des dizaines de milliards d'euros par an et dominé par de puissantes entreprises américaines.

Le débat mondial sur le sujet a été relancé en juillet après les allégations selon lesquelles une délégation américaine avait tenté d'atténuer une consigne de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en faveur de l'allaitement maternel.

Le président américain Donald Trump a aussi jeté de l'huile sur le feu en défendant le recours au lait en poudre suscitant les critiques d'experts en santé.

- "Fantastique" -

Le premier lait sécrété juste après l'accouchement, le colostrum, "est la meilleure nourriture qu'un être humain puisse recevoir", dit Djurdjica Cecez, néonatologiste à la maternité "Narodni Front" à Belgrade. Ce lait est "précieux et irremplaçable", souligne-t-elle.

Aleksandra Milenkovic, 31 ans, qui vient d'accoucher d'une petite fille dans cette maternité, a vécu deux approches différentes à la naissance de ses deux enfants.

Il y a deux ans, elle avait été immédiatement séparée de son bébé qui lui avait été rapporté le lendemain matin, déjà nourri au lait industriel. La semaine dernière, dans la même maternité, elle a pu allaiter son bébé aussitôt après l'accouchement.

"J'ai eu maintenant une occasion fantastique d'être avec elle, d'avoir ce contact peau à peau. Nous sommes restées comme ça pendant une heure et je l'ai allaitée, ce qui était merveilleux", dit Aleksandra.

- Encore du chemin à faire -

Pour obtenir une licence, une maternité serbe doit désormais respecter les normes d'un "établissement privilégiant le bien-être du bébé" qui prévoient le contact peau à peau et l'allaitement dès la première heure.

La docteure Djurdjica Cecez estime pourtant qu'il est possible de faire davantage pour améliorer les soins dans les maternités, notamment en augmentant le personnel hospitalier et en améliorant son éducation, mais aussi celle des futures mamans.

Par ailleurs, si le taux d'allaitement maternel précoce a nettement augmenté, les statistiques sont moins encourageantes pour l'ensemble des six premiers mois. Selon l'Unicef, seulement 12% des mamans allaitent exclusivement leurs enfants au cours de cette période.

L'allaitement peut "parfois être quelque chose de très douloureux", dit Branka Stamenkovic. "Vous avez besoin de quelqu'un pour vous apporter un soutien émotionnel, vous remonter le moral et vous dire +tu peux le faire+", ajoute l'ancienne blogueuse, "ravie" d'avoir pu contribuer au changement.

"Mais nous avons encore du chemin à faire".

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