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En Syrie, un stade de football en guise d'abri pour des centaines de familles

"C'est un terrain de football, ce n'est pas un endroit pour vivre", clame Abou Fawz. Et pourtant, sous les gradins ou sur le parking, des centaines de familles syriennes ont trouvé refuge pour fuir les combats faisant rage à Idleb (nord-ouest).

"Il n'y a ni électricité, ni eau, ni toilettes", ajoute cet homme de 32 ans, père de trois enfants, posté dans une allée ornée de tentes blanches, en déplorant le manque d'intimité, "les gens ne cessant d'aller et venir".

Depuis début décembre, le régime soutenu par son allié russe a lancé une offensive majeure sur la région d'Idleb, dernier bastion dominé par des groupes jihadistes et rebelles. Les forces de Bachar al-Assad ont récupéré des dizaines de localités du sud et de l'est de la province, où vivent près de trois millions de personnes.

L'offensive a provoqué un nouveau drame humanitaire dans ce pays ravagé par neuf ans de guerre: d'après l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), plus de 470 civils ont été tués, et près d'un million ont été déplacés vers le nord de la province, d'après l'ONU.

Un exode d'une ampleur sans précédent en si peu de temps depuis le début du conflit syrien, qui a fait plus de 380.000 morts.

Abou Fawz, sa femme et leurs enfants ont fui Maaret al-Noomane "sous les bombardements. Nous n'avons rien pu emporter avec nous", déplore-t-il.

"Dieu merci j'ai pu sauver ma femme et mes enfants", poursuit-il.

- "Tragédie" -

Ensemble, ils ont fui jusqu'à la capitale Idleb, sans parvenir à trouver un toit. "Nous dormions dans les rues, jusqu'à ce qu'on soit informés de l'existence d'un camp au stade municipal", raconte Abou Fawz.

Leur cas n'est pas isolé. Parmi les milliers de déplacés arrivés les mains vides depuis décembre, un grand nombre a dû passer des nuits dans des champs, des écoles ou des mosquées, face à l’impossibilité de trouver une place dans des camps submergés, ou de payer un loyer.

Dans le froid mordant, un correspondant de l'AFP a vu des familles dormir dans leur voiture, des abris souterrains, ou encore dans une prison.

Dans les allées du camp planté à l'ombre du stade, du linge pend au-dessus du sol mouillé, une moto pétarade jusqu'à se garer sous les gradins, tandis que des enfants chahutent sur le seuil de leur nouvelle demeure.

Oum Sana, gynécologue de 65 ans, dit aussi avoir fui Maaret al-Noomane, ville reprise fin janvier par le régime après la fuite de ses quelque 150.000 habitants.

Sa maison a été bombardée en novembre et elle a été sortie des décombres, passant quatre mois sur un lit d'hôpital pour se remettre de blessures aux jambes.

"C'est une tragédie", dit-elle.

"Nous avons besoin d'une solution pacifique pour que les gens puissent rentrer chez eux, même si ce n'est que pour y manger du pain, poursuit-elle. "Quoi qu'il se passe, une personne chez elle reste maître de son destin."

- "Vide" -

Le conflit à Idleb a connu une nouvelle escalade avec l'intervention directe de la Turquie après la mort fin février de 33 militaire turcs dans des frappes aériennes attribuées à Damas.

Mercredi, le président turc Recep Tayyip Erdogan a dit espérer obtenir un cessez-le-feu lors de sa rencontre prévue le lendemain avec son homologue russe Vladimir Poutine.

Mais, d'ores et déjà, les combats ont rendu de larges pans d'Idleb inhabitables, selon un rapport publié mercredi par le centre de recherches Harvard Humanitarian Initiative.

"Dans le meilleur des scénarios, qui est un cessez-le-feu immédiat, cela prendrait des mois, sinon des années" pour que les déplacés puissent revenir chez eux, selon Save the Children.

Debout sur les gradins du stade d'Idleb, Jana, 10 ans, dit ne rêver que d'une chose: rentrer et retrouver le chemin de l'école.

"Nous avons besoin d'école", dit la jeune fille. "Ici, il n'y a rien pour remplir le vide".

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