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Entre savane et Grand Rift, le légendaire Rallye Safari en quête de renaissance

A ses heures glorieuses, le Rallye Safari d'Afrique de l'Est était réputé "le plus difficile du monde" et réservé aux pilotes les plus téméraires, secoués pendant plus d'un demi-siècle à travers la savane et les escarpements de la célèbre vallée du Grand Rift.

Gagnée en leurs temps par Carlos Sainz, Colin McRae, Ari Vatanen ou Juha Kankkunen sur des pistes sablonneuses, rocailleuses, ou complètement inondées, la course est toutefois tombée en disgrâce auprès de la Fédération internationale de l'automobile (FIA), qui l'a retirée, après l'édition 2002, du prestigieux Championnat du monde des rallyes (WRC).

Mais le Rallye Safari, rétrogradé au Championnat d'Afrique des rallyes (ARC), s'est engagé à laisser derrière lui les problèmes organisationnels et financiers à l'origine de sa chute - le rallye n'était même pas au calendrier ARC en 2015 et 2016 en raison de désaccords avec la FIA -, espérant faire son retour au calendrier WRC.

Pour offrir à nouveau à l'Afrique, orpheline du Rallye Dakar, une course automobile à dimension mondiale.

"Vous méritez d'avoir à nouveau votre rallye au calendrier", a même lancé Jean Todt, le président de la FIA, lors d'une visite au Kenya en février, en prélude à l'édition 2018, qui s'est achevée dimanche.

M. Todt, un ancien participant, a cependant été clair: la sécurité est une priorité, et celui qui était à l'époque le seul rallye WRC disputé sur des routes non fermées à la circulation, ne pourra plus se permettre des collisions entre bolides et troupeaux de vaches.

"Les nouveaux standards du rallye doivent être respectés", a-t-il insisté. "Ce qui était possible à l'époque (...), n'est plus possible de nos jours."

- "Pas pour les fragiles du cœur" -

La course a vu le jour en 1953, dix ans avant l'indépendance du Kenya: un groupe de colons britanniques décide de célébrer le couronnement de la reine Elizabeth II, un an plus tôt, en parcourant 6.000 kilomètres à travers l'Afrique de l'Est, au cours d'un rallye automobile de cinq jours.

Divisée en sept étapes colossales traversant la Tanzanie, le Kenya et l'Ouganda, la course inaugurale a consacré quatre vainqueurs, les voitures étant alors réparties en catégories en fonction de leur prix de vente.

Appelée Coronation Rally jusqu'en 1959, la course s'est au fil des ans bâti une solide réputation, et a attiré de plus en plus de pilotes étrangers. Il faudra toutefois attendre 1972 et la victoire du Finlandais Hannu Mikkola, sur une Ford Escort, pour que soit consacré un coureur n'étant pas originaire d'Afrique de l'Est.

"Le Rallye Safari d'Afrique de l'Est, ce n'était pas pour ceux qui sont fragiles du cœur", se souvient Prem Choda, un pilote kényan ayant participé à la course de 1974 à 1985. "Il fallait être fort mentalement et physiquement (...), c'était un rallye difficile, qui couvrait généralement 7.000 à 8.000 kilomètres sur des terrains vallonnés et des routes en mauvais état."

Devenu un événement uniquement kényan à la fin des années 70 en raison de rivalités politiques régionales, le rallye et ses bolides suscitaient l'émerveillement de dizaines de milliers de spectateurs locaux, qui n'hésitaient pas à se salir de boue pour aider les pilotes embourbés.

"S'il y avait bien un événement annuel dans ce pays pour lequel le monde s'arrêtait et regardait dans cette direction, c'était le Rallye Safari", se souvient le journaliste sportif kényan Roy Gachuhi, évoquant les images de savane et animaux sauvages diffusées en mondovision.

- "Une vitrine" -

Ancien vainqueur de l'épreuve, le Kényan Glen Edmunds se souvient de l'époque à laquelle il rêvait de devenir un pilote: "Quand nous étions enfants, nos mères ou nos grands-parents nous emmenaient voir ces fantastiques voitures qui passaient par nos villes et nos villages, conduites par des héros à travers la poussière, la pluie et la boue".

"C'est ça le Safari!", s'enthousiasme-t-il.

Selon lui, le Kenya et le WRC bénéficieraient du retour de l'Afrique au calendrier WRC. "Le WRC a besoin de nos couleurs (africaines, ndlr). A ce moment-là seulement, pourrons-nous parler d'un vrai Championnat du monde des rallyes".

Le gouvernement du président Uhuru Kenyatta s'est engagé à contribuer à hauteur de 2 millions de dollars (1,6 million d'euros) aux efforts pour ramener le WRC au Kenya. Pour le plus grand bonheur du pilote kényan Patrick Njiru, lequel se dit "triste" de la disparition d'un événement "qui était une si belle vitrine pour notre pays".

Mais la route est longue: le vice-président de la FIA, Surinder Thatti, en charge de l'Afrique, a prévenu qu'un retour ne se concrétiserait que si l'organisation était sans faille, qu'il s'agisse du tracé, de sa sécurité ou du sponsoring.

Le prochain test grandeur nature aura lieu lors du Rallye Safari 2019, qui doit permettre aux organisateurs de montrer à la FIA ce que le Kenya est capable de réaliser.

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