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Equateur: clés et défis de la victoire présidentielle de Lasso

L'ex-banquier Guillermo Lasso a vaincu la gauche socialiste en Equateur, mais sa victoire est plus une sanction contre l'ancien président Rafael Correa qu'une "carte blanche" à la droite pour gouverner un pays en pleine crise économique et sanitaire, selon des analystes.

A 65 ans, ce conservateur a transformé son troisième essai, se déclarant élu dimanche à l'issue du second tour de la présidentielle contre Andrés Arauz, 36 ans, dauphin de M. Correa, qui a concédé sa défaite avant même la publication des résultats définitifs.

Le candidat de droite était à près de cinq points d'avance (52,48% contre 47,52%) alors qu'il ne restait que 6% des suffrages dépouillés à enregistrer.

Le triomphe du leader du mouvement Créer des opportunités (Creo) comporte des clés et des défis, après ses défaites de 2013 et 2017.

- L'anti-corréisme -

M. Lasso était sorti du premier tour du 7 février 13 points derrière M. Arauz, un jeune économiste inconnu du grand public.

Et il était pour ainsi dire entré par la fenêtre au second tour, en n'ayant qu'un léger avantage sur le candidat indigène de gauche et défenseur de l'environnement, Yaku Pérez, qui avait alors dénoncé un détournement de votes.

Mais l'ex-banquier a réussi à rallier mécontents et indécis sous la bannière d'une droite écartée de la présidence depuis 14 ans et dont l'image s'était ternie dès avant l'apparition du "socialisme du XXIe siècle" de M. Correa.

"A gagné le candidat qui est parvenu à être en phase avec cet électeur déçu du corréisme et de la politique en général", a déclaré à l'AFP Wendy Reyes, professeure de l'université de Washington.

Le président élu, qui prendra ses fonctions le 24 mai, n'a toutefois pas bénéficié du soutien unanime des indigènes, divisés entre vote nul et appui à l'ex-chef de l'Etat socialiste.

"Il me semble qu'au-delà de Lasso, c'est un vote de lassitude, de rejet de ce qu'a représenté Correa (...) cette dynamique de l'exacerbation de la haine", a estimé Pablo Romero, analyste de l'université Salesiana de Quito.

Durant ses dix ans au pouvoir, de 2007 à 2017, l'ancien président a modernisé l'Equateur grâce à la manne pétrolière, mais au prix, selon ses critiques, d'un style autoritaire qui n'a épargné ni partis traditionnels, ni militants de l'environnement qu'il qualifiait d'infantiles, ni les médias. Il avait coutume de qualifier ses adversaires de corrompus.

"Le discours d'affrontement et de vengeance a incité à voter pour quelqu'un appelant au dialogue" comme le candidat de droite, selon M. Romero.

- Soutien conditionnel et vote nul -

M. Lasso va devoir gouverner un pays divisé et en proie à une crise économique, aggravée par la pandémie de Covid-19, qui a fait plus de 17.000 morts dans ce petit pays de 17,4 millions d'habitants.

Il va succéder à l'impopulaire Lenin Moreno qui, à peine arrivé au pouvoir en 2017, s'est empêtré dans une confrontation féroce avec M. Correa, son ancien parrain.

M. Moreno avait été élu de peu devant M. Lasso, sa victoire semblant assurer la continuité de la gauche socialiste.

Mais il s'est allié avec d'autres forces, y compris la droite pour éliminer par referendum la possibilité de réélection indéfinie promue par son prédécesseur et ex-allié.

En Equateur, "il y a une crise de gouvernance, accrue sous le gouvernement de Moreno, une crise économique et une crise sanitaire et cela implique de grands défis", souligne Mme Reyes.

Selon les analystes, M. Lasso n'a pas vraiment "carte blanche" pour les quatre prochaines années.

Il n'aura pas de majorité au parlement mono-caméral, où Creo n'a qu'une faible représentation, et devra négocier avec le parti indigène Pachakutik, deuxième force législative depuis les élections de février, derrière l'Union pour l'espérance (Unes) de M. Arauz.

Le vote nul, promu par Yaku Pérez, a gagné en importance, de 9,55% des suffrages au premier tour à 16% au second.

"Lasso doit bien tenir compte de cet avertissement pour gouverner de manière absolument inclusive, en négociant avec plusieurs secteurs sociaux et politiques sinon il aura, à l'Assemblée et dans la rue, un ennemi qui va lui tourner autour", a estimé Santiago Basabe, politologue de la Faculté latino-américaine de sciences sociales (Flacso).

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